samedi 21 juin 2025

Un moment avec Hervé Aknin

 

Cela faisait longtemps que nous voulions nous entretenir avec Hervé Aknin, qui, mine de rien, est devenu un pilier de Magma depuis 2008. Alors que l'hiver ne se faisait pas vraiment sentir sur Montpellier, l'occasion de parler longuement de son parcours avant et dans Magma ainsi que de son premier album solo Les Hasards nécessaires dont nous vous avons annoncé la sortie numérique. Un entretien long et dense que nous sommes heureux de partager avec vous.


KZM : Hervé, nous sommes en février 2025, cela va faire 17 ans que tu es le chanteur de Magma !

H : 17 ans, oui ! Mi-février, c'était l’appel de Stella. Et mon premier concert, c'était le 26 mars, au Festival de Jazz de Grenoble. Le premier concert, avec Bruno Ruder.


KZM : Oui, vous êtes rentrés en même temps. Il y a une nana aussi qui devait rentrer, et qui n'est pas rentrée, finalement. Agathe Sarraoui, non ?

H : Oui, c'est ça. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je crois que c'était par rapport au répertoire qu'ils montaient à l'époque et à son type de voix.


KZM : Elle était typée soul, plutôt. Pour Emehntehtt-Ré, une voix soul ce n’était pas très adapté.

H : Oui, ça aurait pu être compliqué, peut-être. Mais du coup, c’est pour moi que ça a été compliqué. Quand je suis entré dans le groupe, j’ai bossé les parties d’Antoine. Et quand ils ont pris la décision de ne pas prendre Agathe, il a fallu que je revoie toutes mes voix 15 jours avant le concert.


KZM : Que tu apprennes l'intégralité, donc !

H : Presque ! On était supposés chanter à 4 voix, toutes les parties en pupitre. Et comme avec une voix féminine en moins, il y avait trop de distance entre moi, baryton et Isabelle, il a fallu que j’apprenne pas mal de voix que chantait Himiko et ce n'est pas vraiment ma tessiture. Rires. Ce qui fait qu'après chaque concert, j’étais lessivé. Rires.


KZM : Le baptême du feu, quoi ! Mais tu les connaissais déjà, tu avais fait des premières parties pour eux.

H : Oui, j'avais fait des premières parties avec mon groupe Elull NoomiDès qu'on a réalisé notre première maquette, j'ai chopé une adresse sur une interview de Stella que j'avais vue sur Internet. C’était en 2002 il me semble. Elle expliquait qu’ils créaient une extension du label Seventh Records, qui s’appelle Extension Records d’ailleurs. C'était ouvert aux projets autres que ceux de Christian et de Magma. J'ai envoyé un mail en disant voilà, on est un petit groupe a cappella, on démarre, on vient de réaliser notre première maquette… J'ai dit, évidemment, tout le bien que je pense de Magma et tout ce que ça évoque pour moi. Et le lendemain, je crois, ou deux jours après, j'ai eu une réponse qui disait envoyez-nous un CD, et on verra bien. Donc voilà, on a gravé ça sur un CD parce qu'à l'époque, on n'envoyait pas les fichiers. Et deux jours après, à nouveau, j'ai eu une réponse très gentille de Stella, qui disait : on adore ce que vous faites, continuez à nous proposer votre travail. Ce qu'on a fait !

On a commencé à faire nos premiers concerts dès qu’on a eu un répertoire. Et puis, à un moment donné, avec la basse de notre groupe, ça ne collait plus, parce qu'il était très peu disponible. On a pris la décision d'arrêter de travailler avec lui, et j'ai appelé Stella, pour savoir si ça pouvait intéresser Antoine, qui était baryton, baryton- basse. Elle m'a dit, oui, il adore ce que vous faites. Elle m'a filé son numéro, on s'est appelés. On est allés le voir à Paris avec Odile, qui écrivait les paroles dans Elull Noomi. On n'a pas fait une note de musique, on a fait que parler tout l'après-midi, avec Antoine. Et voilà, le marché s'est conclu ! On a fait des concerts avec lui, dont les premières parties de Magma, ce qui était un challenge pour Antoine qui se tapait deux concerts dans la soirée !

La première fois, c'était au Jam à Montpellier. On a fait deux jours d'affilée. Je donnais des cours au Jam à l'époque, et ça faisait des années que je tannais le directeur pour faire venir Christian. Il l’avait déjà fait venir en Trio. Et il a fini par réaliser que c'était peut-être une bonne idée de faire venir Magma. Deux concerts d’affilée. C'était blindé ! Ce n’était pas une très grande salle mais il y avait quand même 400 places. Ils ont fait rentrer tout le monde quasiment en superposant les gens ! Rires Et donc, on a fait les deux premières parties pour la première fois au Jam.


KZM : Ensuite, ça a été l’année d’après au Triton, quand Magma a fait toute une série de concerts avec des premières parties différentes.

H : Pareil, on a fait deux soirées.


KZM : Vous avez fait le bœuf avec eux. De mémoire, il y avait eu For Tomorrow…

H : On a fait For Tomorrow, oui, qu'on avait vu vite fait dans la loge avant de jouer. La veille, le premier soir au Triton, ils voulaient que je monte sur scène avec eux mais je ne connaissais rien – enfin, pratiquement rien, donc, je suis rentré juste pour faire les Alléluia de K.A. Le lendemain, on s'est dit que ça serait peut-être sympa de faire un truc plus conséquent. Donc, on s'est vu avec toute l'équipe, et on a fait For Tomorrow. C’était très sympa ! C’était en 2006 il me semble. Pendant ce temps-là, on réalisait les enregistrements pour un futur album d’Elull Noomi, et on tenait au courant Stella de l'avancée de nos travaux. L’album est finalement sorti en 2007 sur le label Extension.


KZM : Et ça s'est arrêté quand, Ellul Noomi ?

H : ça s'est arrêté sans qu'on se le dise vraiment, en fait. Le dernier concert qu'on a fait, c'était en 2016. On a joué au festival Radio France à Montpellier. On avait remonté le groupe pour la circonstance quasiment mais avant ça, ça faisait pas mal de temps déjà que c'était un sommeil…


KZM : C'est donc ce qui a permis à Stella de te retrouver quand ils se sont retrouvés d'un coup avec un gros trou dans le groupe.

H : Moi, au début je pensais continuer les deux, mais ça s’est avéré compliqué pour tout un tas de raisons. Mais ce qui a accéléré la fin de notre groupe c’est que nous n’avions pas beaucoup de dates. En fait, c'est ça qui signe la mort des groupes qui sont un petit peu audacieux, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'endroits pour jouer ce genre de musique en France, et que pour trouver des dates, c'est très compliqué. C’est difficile de jouer et de s’occuper de trouver des dates, des lieux … À un moment, il y avait eu quelqu'un qui était intéressé pour s'occuper de nous, mais ça a été très compliqué de bosser avec elle aussi. Donc tout ça a mis bout à bout a fait que sans qu'on se dise franchement, on arrête, ça s’est éteint.


KZM : Et donc, tu as remplacé Antoine dans Magma.

H : J’ai remplacé Antoine en 2008. Quand Antoine, Himiko et Manu Borghi ont décidé de quitter le groupe. J'ai fait mes premiers concerts totalement dans le brouillard : Qu'est-ce qui se passe ? Comment se fait-il que je sois là ? Rires Je me rappelle quand Stella m'a proposé le job, j’étais chez moi, malade, quasiment aphone. Je sortais de la douche, le téléphone sonne et elle me dit : on cherche le chanteur de Magma. Moi, sur le coup, je pensais qu'elle cherchait Antoine, pensant qu'il était chez moi. Et je lui ai dit non, il n'est pas là. J’avais pas compris ! Et là elle m’explique vaguement le topo. Elle m'a dit si tu es ok, on te propose le job. Je lui ai dit Oui, évidemment que oui, l’idée me plaît beaucoup. Mais j'aimerais quand même en discuter avec Antoine. Donc j'ai appelé Antoine pour savoir ce qu’il en pensait, ce qui s'était passé, et surtout, si sa décision était définitive, s’il avait bien mesuré la chose. Et au départ, il ne comprenait pas pourquoi, mais comment ça se fait que tu es déjà au courant ? Je lui ai dit : mais parce que Stella me propose le job ! Il est un peu tombé sur le cul, que ça aille si vite. En même temps fallait pas s’endormir parce que les concerts arrivaient à pas de géant… Je lui ai dit : réfléchis bien. Est-ce que tu es sûr de ton coup ? Il m'a dit : oui oui, tu n’as aucune raison de ne pas le faire ! Dans la foulée, j'ai appelé Stella, je lui ai dit que ça marchait pour moi. Elle m'a envoyé de quoi travailler Emehnhtett-Ré et deux trois trucs.


KZM : A l’époque il y avait deux parties dans le concert.

H : Oui, il y avait pas mal de festivals de jazz et donc il y avait une partie un peu jazz.


KZM : Il y avait Lonnie’s lament, For Tomorrow, Day After Day et la balade en rappel.


H : On a fait quelques concerts comme ça.
Et après, on a commencé à bosser sur Slag Tanz et Félicité.


KZM : Parce que tu as eu la tournée de 2009 qui s'est précisée, la tournée des 40 ans.

H : Et c'est quasiment pour cette circonstance qu'on a fait pour la première fois Félicité et Slag Tanz. On les avait joués à Toulouse une semaine avant le Casino de Paris je crois. On a fait 3-4 concerts avec le répertoire un peu jazz. Ensuite il me semble qu’on avait monté Köhntarkösz et peut-être Kobaïa à l’automne 2008.


KZM : Emehntehtt-Ré, forcément, puisque le disque est sorti fin 2009.

H : Oui, et là pareil, j’ai repris la suite d'Antoine pour l'enregistrement.


KZM : Ils n’avaient bouclé que le premier tiers de mémoire.

H : Oui, enfin bouclé pas totalement non plus. Il manquait plein de trucs. Ils n'avaient pas forcément suivi une chronologie, donc il y avait des parties un peu plus lointaines que Himiko et Antoine avaient enregistrées dans Emehntehtt-Ré 3. Il y avait Hhai aussi, Zombies. J'ai rajouté des voix. On a étoffé. J'ai dû attaquer les prises en fin 2008, et je me rappelle qu'à l'époque, Christian ébauchait Slag tanz. Il essayait de m'expliquer comment allait tourner ce morceau. Je comprenais que dalle ! Je me suis dit on va attendre que les camarades dégrossissent le truc .... rires


KZM : Tu as eu la chance d'avoir cette super tournée en 2009. C'était une cinquantaine de dates, quand même !

H : Une cinquantaine de dates, autant que ça ? Oui, c'est sûr qu'on a pas mal joué. On avait fait le Japon aussi sur cette période !


KZM : Je me souviens d'un beau concert, c'était aux Francofolies en 2009. C'était vraiment un très beau concert !

H : Je me souviens, quelques temps après ce concert, je ne sais plus où on partait jouer, j'étais à la gare, et Zab m'appelle et me dit « Tiens, tu ne veux pas acheter Rock'n'Folk ? Du coup, je l'achète et je vois une photo de moi à l'époque où j'avais le bandana ! C'était la première fois que je le mettais pour ce concert. C'était rigolo. Philippe Manoeuvre était venu avec Jacky Berroyer. Ils étaient venus dans les loges. C'était rigolo parce qu'à ce concert-là aussi, dans les loges, il y avait deux jeunes qui arrivent et qui disent qu'ils sont journalistes pour un groupe local. Ils voulaient parler à Stella. Un des mecs pose la question à Stella « Qu'est-ce qu'il faut faire pour être le chanteur de Magma ? » À ce moment-là, je passe. Stella lui dit « Tu n'as qu'à demander à Hervé Aknin. Il va t'expliquer. » Et je lui dis « Pour être le chanteur de Magma, déjà, il faut m'assassiner ! » Il a fini par cracher le morceau en disant qu'il n'était pas du tout journaliste et qu’il tentait une approche dans l’espoir un peu fou d’intégrer Magma… Stella lui dit « Envoie-nous une cassette. » Rires. Le mec a envoyé une cassette, avec tout un laïus. Il s'était attribué un nom kobaïen…. Et il dit « Loin de moi l'idée d'assassiner Hervé Aknin...Mais si jamais ... » Bon, le mec avait un timbre, mais il était plus dans l’imitation de Christian qu’autre chose comme il y en a eu plein…



KZM : Après ça a été la découverte des tournées à l'étranger.

H : Oui. On est allé pas mal de fois en Allemagne, un peu en Angleterre. Avant ça, on était allé aux États-Unis en 2010, pour deux concerts seulement : un à New York et un à Washington. Ensuite 2015 et 2016, avec les tournées. On est retourné aux États-Unis en 2017. On a joué à Las Vegas pour un festival de métal.

À cette époque-là, on a joué au Canada, à Victoriaville, aussi. En 2015, on avait joué en Australie, ça ouvrait la tournée des États-Unis. On est allé assez régulièrement en Suède, en Norvège. On a vu pas mal de pays !


KZM : Ça permettait de sortir de France où c'était un peu bloqué.

H : Après, c'est un peu compréhensible aussi. Une fois que tu as fait une année Lille par exemple, tu ne vas pas le faire tous les ans, tu vois …. Ça dépend aussi de la production discographique. Plus il y a d'actualité, plus ça favorise les tournées, effectivement.


KZM : Et comme Magma n'est pas le groupe le plus productif qu'il soit…

H : Non…mais Il y a eu une période où ça a été assez productif, dans les années 2000 ! Depuis que je suis rentré, il y a eu Emehntehtt-Ré qui est sorti, Slag Tanz, Riah Sahïltaahk, Félicité


KZM : Il y a eu le DVD Epok 5.

H : Voilà … il y a eu L'Homme suprême. Et Zëss ! Il y a eu aussi le live Eskähl, et l’Alhambra. Il y a eu pas mal de trucs qui se sont passés quand même.


KZM : Et là, il n’y a rien dans les tuyaux, visiblement, au niveau discographique ?

H : Au niveau composition ? Pour l'instant, on ne voit pas grand-chose venir. Je sais que Christian voyait Rudy il y a quelques temps pour bosser sur des trucs, mais je n'ai absolument entendu aucune note, rien du tout. Stella a entendu des trucs, je crois. Il n’y a pas énormément, peut-être deux minutes de musique. Il manque les 48 autres ! Rires


KZM : On ne peut pas demander à Christian, à l'âge qu'il a, d'avoir la verve qu'il a eue à l'époque.

H : Oui, bien sûr. Il va avoir 77 ans quand même mine de rien. Déjà bravo qu’il continue à jouer quand même, tout le monde ne peut pas en dire autant. Mais oui, ça serait bien après Kartëhl de faire un truc plus conséquent avec une couleur vraiment Magma.



KZM : Kartëhl, c'était un concept, en même temps.

H : Oui, voilà, et puis c'était très sympa. Chacun a pu apporter quelque chose. Je pourrai dire que j'ai composé un morceau pour Magma. Ce n'est pas rien !


KZM : Non, et ce n'est pas le cas de tout le monde…

H : Voilà. On ne va pas se plaindre. Mais c'est vrai que si jamais il y avait une belle œuvre qui arrivait là... En tout cas, il n'en parle pas. Je pense que s'il avait vraiment des idées assez fortes et abouties, il en aurait parlé.


KZM : Il ne veut pas se répéter non plus. Il a raison.

H : Oui ! ce qui fait un peu la spécificité de Magma, c'est que chaque album est différent. Il y a très peu d'albums qui se ressemblent. Entre Köhntarkösz et Mékanik, tu as un gouffre. Après on peut trouver des choses qui se ressemblent : entre Wurdah Itah et Mekanik, il y a déjà plus d'accointances.


KZM : C'est logique, vu qu’à la base, c'est un énorme ensemble de musique. Ça passait de l'un à l'autre des fois. J'ai quelques bandes de travail de l'époque. Tu vois bien qu'il aurait pu y avoir d'autres structures.

H : Mais ça continue en fait. Il y a certaines parties ou certaines lignes mélodiques, on ne s'en rend pas forcément compte, mais c'est la même mélodie qu'il y avait dans Mekanik par exemple ou dans Theusz Hamtaakh. Il y a pas mal de trucs comme ça. Ça donne une cohésion au tout. Chaque album n'est pas complètement éclaté. À part peut-être les albums comme Attahk et Merci, et encore.


KZM : C'est vraiment un concept à un moment donné.

H : C'est un autre versant de Magma. D'ailleurs, certains ont du mal à dire que c'est du Magma…


KZM : Comment es-tu venu au chant, tu étais plutôt guitariste à la base ?

H : Moi, je voulais faire de la BD quand j'étais môme ! Je ne me destinais absolument pas à être chanteur, ni même musicien. Je dessinais tout le temps, j'avais un bon coup de crayon. Mon rêve était de pouvoir d’entrer aux Beaux-Arts. Mais comme mon parcours scolaire était plutôt chaotique pour la hiérarchie, à l’école, ils ont convaincu mes parents de pas m'envoyer au Beaux-Arts, en disant qu'il valait mieux que j'aie un « vrai métier ». Et donc, comme j'avais un niveau scolaire qui n'était pas flamboyant, on m'a dirigé vers les BEP, CAP, une formation d'agent administratif. Rires Je me suis retrouvé en Seconde Agent Administratif, où on faisait de la compta, des trucs de ce genre. J’ai redoublé, puis, comme j'allais de moins en moins en cours, j'ai fini par être viré. Et donc, vie active, comme on disait à l'époque. J’ai commencé à faire des boulots alimentaires. Finalement, c'est grâce à ça que j'ai fini par rentrer dans Magma, parce que sans ce parcours-là, peut-être que je serais au Beaux-Arts, je n’aurais pas fait de musique. Enfin, probablement que si, mais peut-être pas de cette manière-là.

J'ai commencé à bosser la guitare. A Lunel, dans toute la région, tout l'été, il y a ce qu'on appelle les fêtes votives, où pendant une semaine, tu as une fête dans chaque village. Et dans chaque bar, tu as une bande de jeunes. J'ai fait partie de la bande où il y avait mon frère aîné. J'étais le plus jeune, il y avait des gars de 22, 23 ans, moi j'avais 17 ans… Il y avait un de ces mec qui jouait de la guitare. Le soir, on se retrouvait à un endroit où on faisait une espèce de feu de camp, et on picolait. Rires. Et lui, il jouait ses chansons, puis des chansons de plein d'artistes, des chansons françaises. Et ça me fascinait qu’au milieu de cette bande de pochtrons il y ait quand même de la poésie…

Quand cette semaine de fête à Lunel a été terminée, quelques temps après, j’ai toqué chez lui. J'ai dit tiens, j'aimerais bien que tu m'apprennes un petit peu à jouer de la guitare. Il m'a dit ok et il a commencé à m'apprendre les accords de base, les trucs « feu de camp », quoi. Après il m'a accompagné pour acheter ma première guitare classique. Et à partir de là, j'ai travaillé, mais toujours de façon autodidacte : je n'ai jamais pris un cours de guitare de ma vie.

J’ai été amené comme ça à chanter des chansons. Au départ, c’étaient des chansons françaises, Maxime Le Forestier, tout ça, et petit à petit, j'ai commencé à me sentir de plus en plus à l'aise. Mon frangin aussi écrivait des textes, je les mettais en musique. Et puis, il y a eu un copain, qui faisait partie d'un groupe de rock progressif. Ils cherchaient un chanteur, ils m'ont contacté, j’ai passé une audition, et j'ai été pris. Et donc, c'est comme ça que j'ai fait mes premiers pas de chanteur ! Le groupe s’appelait Gandalf. Ensuite, j’ai fait partie d'autres groupes, plus ou moins toujours dans la même mouvance du rock prog, le tout sans prendre un cours de chant de ma vie. Pour moi, ça me paraissait totalement inutile. J'étais assez con pour croire que tu sais chanter ou que tu ne sais pas.

C’est comme ça que je suis rentré au conservatoire, en chant lyrique, à 29 ans. J’ai bossé deux ans au conservatoire. Je n’en garde pas un souvenir impérissable niveau technique vocale. J'ai arrêté au bout de deux ans et j'ai bossé avec différents profs. Deux ans avec Jean-Pierre Blivet, qui était le professeur de Nathalie Dessay. ça l’a éclaté, parce que j'étais le seul chanteur un peu jazz de son écurie. Il y avait des gens qui avaient des voix gigantesques, qui venaient de tous les pays parce qu'il avait fait sa réputation avec Nathalie Dessay. Ensuite, j'ai bossé quelques temps avec Yva Barthélémy à Paris. J’ai continué à bosser, jusqu’à ce que je finisse par donner moi-même des cours. J'en ai donné pendant une dizaine d'années au JAM à Montpellier, à l'école de jazz. Je faisais de la technique et du travail de l'improvisation jazz, scat et compagnie. J'avais créé un atelier a cappella, où je faisais des arrangements sur des morceaux d'Al Jarreau ou de Bobby McFerrin, des choses comme ça, c’était très sympa.

Finalement, je ne dessine plus : on ne peut pas tout faire Et en fait, j'ai pris mes premiers cours de chant à l'âge de 25 ans. Je commençais à ressentir pas mal de difficultés. Je me disais, il y a un truc qui ne va pas. J'avais rencontré un mec qui était chanteur, qui faisait du bal et qui avait une très belle voix. Il prenait des cours avec un professeur à Montpellier, il m'a filé son contact. Ça a été mon premier prof de chant et le meilleur. C'est avec lui que j'ai appris vraiment toutes les bases. C'était un vrai professeur de chant classique, mais qui ouvrait le répertoire à plein d'autres trucs. Je n'étais pas forcément très amoureux du classique à l'époque, et en fin de compte, à force de travailler, de travailler la technique, je me suis dit, tiens, et pourquoi je n'essaierais pas le classique ? Je rencontrais quand même quelques difficultés : le professeur de chant a décelé que j'avais une fuite d'air (plus tu as d’air qui passe dans la voix, moins tu as de timbre.) Il n’y pouvait pas grand-chose donc il m'avait dit de prendre rendez-vous avec un phoniatre, qui a examiné mes cordes vocales et qui, effectivement, m'a dit qu'il y avait un problème sérieux. Les cordes vocales ne se joignaient pas suffisamment, et ça pouvait générer des fatigues vocales, etc. Donc, il avait prévu une rééducation. Au départ, il me disait : on va faire une rééducation sur un an. Si au bout d'un an, on voit que ça ne marche pas, envisagez autre chose. Et en fin de compte, en douze séances, ça a été réglétout faire !


KZM : Il y a des noms qui ont été des influences ?

H : J'ai adoré Al Jarreau ( Christian n’aime pas du tout, mais c’est pas grave. Rires ). C'est par lui que je me suis initié au scat. Je reproduisais les solos qu'il faisait dans certains morceaux, notamment dans les live. Après j’ai beaucoup écouté les chanteuses et les chanteurs de jazz : Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, etc. Et des choses un peu plus pointues comme Mel Tormé ou Jon Hendricks, qui mettait des paroles sur les phrasés des solos de Miles et autres. Il y a eu Bobby McFerrin, bien entendu, pour l'exploration vocale. C’est vrai qu’il est allé assez loin. Et dans le côté un peu plus pop, variété américaine, il y avait Gino Vannelli. J'adore son timbre de voix. Je trouve qu'il chante encore de mieux en mieux. En jazz,


KZM : Et là, actuellement ?

H : Je n'écoute plus vraiment ce qui se passe. Il faudrait que je me remette un peu à la page, parce que de temps en temps, je tombe sur des choses assez étonnantes. Jacob Collier, par exemple, je ne sais pas si tu connais. C'est une espèce d'extraterrestre qui fait des arrangements vocaux. C'est assez impressionnant. Il y a quelques jeunes comme ça qui sont vraiment intéressants. Mais maintenant, comme on a tellement changé de façon d'écouter de la musique, je ne prends plus suffisamment de temps pour écouter. Avant, c'est vrai, quand tu écoutais un disque, tu prenais ton temps. Tu ne faisais que ça, c'était un acte. Alors que là, maintenant, je me retrouve à scroller sur l'ordi, YouTube, etc. Même s'il y a un truc que j’aime, je vais rarement jusqu'au bout. Je zappe... Je me suis rendu compte de ça, il n'y a pas si longtemps.


KZM : Toute la partie composition et arrangements, tu l’as apprise au conservatoire ?

H : Non. Au conservatoire, j'ai appris les bases, le solfège et l'écriture. À une époque, quand je suis rentré au Jam, j’ai pris quelques cours d'harmonie, des choses comme ça, mais de façon très sommaire. Je n'étais pas très régulier. Non, c'est sur le tas, en expérimentant. J'aimerais pouvoir avoir une formation très académique, savoir le contrepoint, la fugue, etc. Mais je n'ai pas la patience : dès que j'apprends un truc, il faut que je l'expérimente tout de suite. C'est à la fois très intéressant, parce que ça me permet de découvrir les choses par moi-même, mais du coup, il y a tout un bagage que j'aimerais avoir et que je n'ai pas. Cela dit, je ne suis pas le seul !


KZM : Ton compositeur-chef est un autodidacte pur !

H : Il a une façon de jouer du piano qui n'appartient qu'à lui. Ce n’est absolument pas pianistique ! D'ailleurs, ils s’épuisent, les pianistes, dans Magma, à jouer ce qu'ils jouent. Rires. Et les parties de guitare ne sont pas guitaristiques ! Enfin, pas toutes. Mais c'est vrai que souvent, on se retrouve à faire des accords qui n'existent pas, avec des positions infarcissables. Les gars y’a moyen de choper des tendinites ! Rires


KZM : Et c'est comme ça quand même que tu es devenu le chanteur le plus long en durée dans Magma !

H : Bah ouais, carrément !


KZM : Là il n'y a plus de concurrence

H : Non, en effet ! Chez les filles, il y a évidemment Stella et Zab. Mais les chanteurs, je les ai tous dépassés. N'en déplaise à certains…


KZM : C’est un peu passé, ça, non ?

H : Il y en a toujours un petit peu. Après, je peux comprendre, moi c'est pareil, j'ai mes goûts, il y a des gens que j'aime plus ou moins. Après, là où ça commence à être désagréable et compagnie, c’est qu’il y en a certains qui sont quand même virulents… De temps en temps, j’en alpague sur les réseaux sociaux, pour les calmer gentiment.

Parce que moi, en entrant dans cet univers-là, tu sais, comme on parle des « combattants de la Zeuhl », ça veut dire qu'il y a une guerre à mener. Je pensais naïvement qu'on allait la mener ensemble cette guerre, et en fait, tu vois, on se retrouve comme à la cour de récré, à savoir si Bruce Lee était vraiment plus fort que Chuck Norris… Chacun ses héros … Certains en sont encore à rêver de la formation idéale de Colmar… Oui, mais ça, ça n'arrivera plus jamais, les gars. Dans le même genre, tu vois des gens qui en sont encore à critiquer le chanteur d'AC/DC, qui a remplacé celui qui est mort il y a 40 ans… Mais tant qu'il sera mort, Bon Scott, il ne reviendra pas ! C’est Paul Mc McCartney qui avait dit ça : tant que John Lennon sera mort les Beatles ne se reformeront pas.


KZM : Non, et les nostalgiques de Klaus, il y en a de moins en moins, quand même.

H : Oui, c’est vrai.



KZM
 : Ça a dû te faire drôle la première fois que tu as chanté devant Klaus.

H : Alors, la première fois, je crois que c'était en banlieue parisienne, c'était en 2008. Mais je le connaissais déjà, Klaus. Quand on avait envoyé notre première maquette d’Elull Noomi à Stella, Klaus avait eu notre maquette via un autre circuit. Et il l'avait adoré. Avec Jannik, ils montaient Utopic à ce moment-là. C’est à cette occasion que j'avais rencontré Klaus pour la première fois. Magma jouait à la Cigale. C'était en 2003.

Avec Odile, on venait d’enregistrer une maquette. Il fallait qu’on termine de la mixer. On voulait la filer en main propre à Francis, à la Cigale. Deux heures avant le concert, on était encore chez un pote qui nous avait prêté son appart dans le 11ème en train de terminer le mix, de mettre ça sur un CD et de partir à la Cigale pour refiler le CD à Francis avec une doc et compagnie. On discutait avec Francis qui avait déjà écouté les premières maquettes. Il disait, bon, je ne vous promets rien, mais effectivement, si jamais ça continue comme ça, pourquoi pas mettre ça sur CD, etc. On a rencontré un peu tout le monde parce que Klaus était venu faire le bœuf. Il y avait Paga par exemple. Après le concert, j’alpague Klaus sur le trottoir : on est un groupe, on a une maquette, … Il me répond « ah c’est vous ! et on adore ce que vous faites avec Jannik. Si Seventh vous le sort, tant mieux. Sinon, nous, on le sort sans problème. »

Pour moi, le rêve était déjà accompli, ça pouvait s'arrêter là ! Plus tard, quand je suis rentré dans Magma, Klaus, est venu nous voir. On jouait en banlieue parisienne. Après le concert, il est venu dans les loges, il m'a pris dans ses bras : t’as assuré ! tout ça … Il était à la console avec Francis, et il disait à Francis « Enfin un chanteur dans Magma ! » ça m'avait fait plaisir.


KZM : Oui, il t’a à la bonne.

H : Je l'aime beaucoup. Il est sympa, et puis respect, par rapport à ce qu’il a fait. Il a participé à créer le son de Magma. Je comprends les fans, si tu veux … Peut-être que si ça avait été l'inverse, si j'étais né 10 ans plus tôt et que j'avais fait partie de Magma plus tôt, avant lui, va savoir comment les choses se seraient passées.


KZM : Ça, c'est la lourdeur du public de fans. Ce n'est pas lié qu'à Magma. Tout public de fans, c'est pareil.

H : Bon, après, ils ont le droit. Je veux dire, ce n'est pas le problème. Simplement, ne m'insultez pas, les gars. Rires.


KZM : Oh, mais ça s’est calmé, quand même.

H : Oui, tant mieux. Ils ont abdiqué, au bout d'un moment.


KZM : Malheureusement, c'est classique, dans les publics de fans. En fait, c'est leur jeunesse, qu’ils regrettent.

H : Il y en a qui ne sont pas vraiment si vieux que ça, mais qui ont une idée très précise de ce que doit être Magma, de comment ça doit se jouer. Ils n'ont pas compris que Magma, c'est différent à chaque fois. Il suffit d'écouter les albums, pour s’en rendre compte.


KZM : Et puis, Christian, il a fait son parcours de compositeur : Another Day, ça ne sonne pas comme Mekanik.

H : Et d'un autre côté, si jamais Christian avait fait tout dans la même veine que Mekanik, les gens auraient fini par dire mais c'est toujours la même chose.


KZM : Tu as découvert comment Magma ?

H : J'ai découvert Magma à l'âge de 19 ans, fin des années 70, début des 80, par un copain, qui était musicien à Lunel et qui était fan de Magma. Il avait fait partie dans les années 70 d'un groupe qui était un peu « les Beatles de Lunel » qui s’appelait Zackmoon. Ils avaient gagné plusieurs fois le tremplin Golf Drouot. Ils étaient partis pour faire la carrière et compagnie, puis ils sont tombés sur un producteur véreux qui leur a volé leurs morceaux, et ça a été la fin du groupe.

A 19 ans, je suis rentré dans une fabrique de meubles à Lunel pour travailler. Je me suis retrouvé dans une usine, et il y avait un conducteur de Clark, c’était ce gars-là, il s’appelait Jean-Charles. Le mec, il avait les cheveux longs, et je me disais lui, il doit être musicien ! On a sympathisé. Moi, à cette époque-là, je n'avais jamais fait partie de groupe. Je jouais de la guitare, je m'accompagnais, je faisais des chansons, des trucs comme ça. J’ai passé pas mal de soirées chez lui. Un soir, il m'a foutu le casque sur les oreilles : c’était le live Taverne de l'Olympia. J'avais déjà entendu parler de Magma quand j'étais plus jeune, vers 13-14 ans. Je me rappelle, un soir, j'allais me coucher, je passe devant la télé et mon frère ainé regardait une émission, je sais plus comment elle s'appelait cette émission, c'était tard le soir. Il y avait Magma, c'était une partie où Christian criait, tout ça. Je me suis dit, c'est quoi ce truc ? Je n’avais pas insisté. J’avais un a priori pas très positif, ça me paraissait trop sulfureux.

Et puis, j'ai écouté le live Taverne de l'Olympia, et là, j'ai dit qu'est-ce qu'il se passe ? Moi, à l'époque, j'écoutais pas mal de rock progressif. C'était Yes, Genesis, que j'adorais. Mais au bout d'un moment, ça tournait un peu en boucle, ça devenait conventionnel.



KZM : ça commençait à être la fin du progressif.

H : Alors, j'aimais toujours, mais quand j'ai écouté le live, je me suis dit là, on part tout à fait ailleurs. Ça a quand même pas mal influencé et modifié ma façon d'écouter et d'entendre la musique. C'est-à-dire qu'à partir du moment où j'ai commencé à écouter Magma, j'avais énormément de mal à écouter autre chose. Pendant pas mal de temps, ça a été ça. Puis après, petit à petit, je me suis ouvert à d'autres choses. Je suis venu au jazz, d'ailleurs, grâce à Magma.


KZM : Christian, ça a été un passeur pour ça, auprès de plein de gens.

H : Pour moi, avant, le jazz, c'était une musique totalement périmée. Rires Je me disais Qu'est-ce qu'ils ont ? C'est quoi leur problème ? Pourquoi ils n'ont pas une guitare électrique à fond, avec la saturation ? Qu'est-ce qui leur prend de souffler dans leur biniou ?

Quand j'ai commencé à écouter Miles Davis, Quintet, John Coltrane, etc., je me suis dit mais ça déménage, en fait ! Je trouvais qu'il y avait une sauvagerie qui était quand même très absente chez les groupes de rock de l'époque. Finalement, les mecs avaient l'air très méchants, mais en fait, c'était que des chansons à l'eau de rose. C'était très romantique, alors que là…


KZM : Et ton premier concert de Magma, ça a été quoi ?

H : C'était à Castelnau-le-Lez, en 1981.


KZM : 81, l'époque Bobino.

H : Voilà, c'est ça. D'ailleurs, ils nous ont fait ça. Et... bon, pareil, je connaissais déjà, puisque j'avais écouté pas mal d’albums comme Köhntarkösz, Attakh, Mekanik, mais je ne les avais jamais vus sur scène. C’était l’époque des costumes, etc. Je sais que pour les gens, enfin, les purs et durs, c'était une erreur totale, mais moi, ça m'avait éclaté, j’ai kiffé, quoi ! D'abord, parce que l'engagement de tout le monde sur scène était palpable. Il y a une anecdote. A la fin de ce concert-là, ils arrêtent, ils terminent le set, et puis, les gens gueulent pour avoir un rappel : Mekanik, Mekanik ! Et ils ne revenaient jamais… ça commence à s'énerver un petit peu dans le public…. Finalement, Christian arrive tout seul sur scène, et il dit : voilà, on aimerait bien continuer, mais il y a les flics et la mairie à l’entrée ... Parce que le concert c'était au théâtre de Verdure, en plein milieu du village ! Il y avait des plaintes et tout ça, il fallait qu'ils arrêtent. Donc, Christian nous dit, voilà, on est obligés d'arrêter, mais si vous voulez, on va se battre. Et du coup, le concert s'est arrêté. Mais quand même, c’était une belle claque !


KZM : Oui, ça envoyait à l'époque.

H : À l'époque, je faisais partie d'un groupe rock, un peu rock-prog, qui s'appelait Futuo, et j'avais embarqué des mecs qui ne connaissais pas du tout, qui étaient plutôt branchés Les Who, Led Zep etc... Ils n'aimaient pas forcément cette musique, mais ils ont quand même été très impressionnés par ce qui se passait sur scène. Ils ont pris ça en pleine face.


KZM : Avec Guy Khalifa comme chanteur.

H : Avec Guy Khalifa, oui, que moi, j'ai beaucoup aimé. Bon, je sais qu'il a été traîné dans la boue (et je sais ce que c'est) mais lui, en fait, il n'aspirait pas du tout à devenir chanteur ! C'est Christian qui l'a lancé, parce qu'il n'y avait plus Klaus. Lui, il était pianiste, et d’un coup il se retrouvait là.


KZM : Avec en plus des costumes qui n'étaient quand même pas les plus simples à porter...

H : Oui oui , c’est sûr ! Mais moi, de toute façon, quels que soient les gens qui ont composé le groupe, j'ai toujours accepté. Alors évidemment, je peux préférer telle formule à telle autre, mais peu importe. De toute façon, quand je suis en tant que spectateur, je n'ai pas le choix sur ce qui se passe sur scène : j'accepte ou je me casse. Donc voilà, je regarde. Et puis je vois que les gens sont tellement impliqués dans ce qu'ils font que je leur dis juste merci ! Quels que soient mes goûts initiaux, on s'en fout, en fait. Ça, c'est un des gros problèmes, ces gens qui veulent superposer leur vision de ce qu’est selon eux Magma, sur ce qui se passe, ce qui fait qu'ils ratent totalement ce qui se passe sur scène. Ils ne sont pas du tout dans l'instant présent. C'est bien dommage.


KZM : Généralement, ce qu'ils veulent entendre, c'est ce qu'ils ont déjà entendu.

H : Oui, voilà.



KZM : Est-ce qu’il y a un concert qui est plus mémorable que les autres dans ton parcours, là ? Un ou deux qui sortent du lot ?

H : Il y en a eu pas mal. Il y a eu quelques fois au Triton où ça s'est vraiment bien passé. Je me souviens d'un concert aussi en Hollande, je ne saurais plus te dire quel endroit, c'était avec Jim Grandcamp. Je trouve qu'on avait vraiment assuré.

Un concert mémorable, pas forcément sur le plan musical mais de se retrouver dans cette ambiance, À Vienne par exemple, au festival de jazz, c'était quelque chose de se retrouver là, ce lieu antique. Monte-Carlo aussi avec l’orchestre ! C'était incroyable ! Ça donnait vraiment la dimension qui convient à la musique de Christian. Il y a un côté très lyrique ! Je me souviens aussi d’un concert à Fourvière et Antibes Juan Les Pins. Au niveau de l'ambiance, de la sensation que j'avais, c'était au Casino de Paris. On démarrait par Slag Tanz. On commençait derrière le rideau qui s’ouvrait lentement pendant l’intro. Pour la circonstance, j'avais mis ma queue de pie - je me rappelle que ça m'avait valu quelques critiques. Rires. Et brutalement le son s'arrête, l'ampli de Bubu en panne pendant dix minutes, et l’équipe technique de trifouiller pour que ça marche... Donc l'effet escompté, patatras. C'est dommage, parce que vraiment, au fur et à mesure que le rideau se levait, c'était quelque chose.


KZM : Mais ça, ce que tu décris, je l'ai vécu aux Francofolies.

H : Aux Francofolies, c'était un très bon concert !


KZM : Vous l'aviez démarré derrière le rideau. Le rideau s'est ouvert progressivement.Il n'y a pas eu de problème et c'était vachement impressionnant !

H : Ah, parce que là, on avait envie d'en découdre, il y avait une certaine sauvagerie dans ce morceau… Il y a aussi la fois où on a fait le morceau de Jannik, De Futura. On l'a joué avec Jannik, justement, dans un concert en plein air, à Saint Herblain en banlieue de Nantes, en 2008. Il avait plu des cordes !


KZM : Christian donne le premier coup de cymbale pour Emehntehtt-Ré, et là, t'as un rideau d'eau qui vient tomber.

H : Ça a été très impressionnant. Et on a fini donc avec De Futura où c'était un truc apocalyptique total, il y avait des éclairs et tout. C'était gigantesque ! Et puis de le jouer avec Jannik …. Le public était resté, sous la pluie ! Il y avait tous les mecs qui s'affairaient parce que c'était une espèce de tenture sur la scène, donc l'eau qui s'engouffrait, les amplis et tout ça, ça commençait à craindre !

L’autre anecdote de ce concert, justement, c’est par rapport aux purs et durs de Magma qui n'étaient pas forcément très gentils. rires. Je me rappelle, la veille j'étais chez moi, je n'arrivais pas à dormir, je suis allé un peu sur les forums. À l'époque, c’étaient les forums qui parlaient de Magma. Et j'ai lu des trucs sur mon compte, c’était une horreur ! Je n’en ai pas dormi de la nuit. Je suis arrivé à Saint-Herblain, j'en discute avec Zab et tout ça. Et Christian me dit, quand Jannick est rentré, tout le monde me disait, c'était mieux avec Moze.


KZM : Ça a toujours été ça.

H : Ce sera toujours le cas je pense.

Sinon, il y a aussi le Hellfest ! Ça, ça a été impressionnant, vraiment !Un festival, ça va très vite pour les balances. Tu n'as pas le temps. Tu installes, et tu vois petit à petit le public qui arrive. Et d'un coup, c'était une marée de gens. On avait dû jouer Theusz Hamtaahk et Mekanik . Et le final de Mekanik, c'était un tempo d’une sauvagerie totale ! Là, c'était Attila ! Et tu voyais le public du Hellfest à fond !

Alors, il n'y avait pas que le public du Hellfest, il y avait aussi plein de gars avec le sigle et compagnie, mais c'était très impressionnant. C’était une heure de concert, mais c'était waou... J'aimerais bien refaire le Hellfest.


KZM : Le public du métal est réceptif, apparemment.

H : Apparemment, oui. On a fait pas mal de festivals de métal. On a été invité par le groupe Opeth qui nous a invité plusieurs fois. Ce n'est pas vraiment du métal, c'est du Métal Prog. Il y a un autre groupe de rock qui s'appelle Sunn O))) qui nous avait invité. D'ailleurs, c’est par eux qu'on est arrivé en Australie, ils nous avaient invités. On a fait un festival de rock métal progressif en Espagne, à Barcelone. On a fait pas mal de trucs comme ça, très rock.


KZM : Ça a ouvert des portes.

H : On ne fait pas du métal, mais il y a une espèce de puissance : quand tu fais Mekanik, ne serait-ce que l'ouverture, c'est vrai qu’il y a un côté où ils peuvent s'y retrouver. Quand tu vois qu'il y a des gars comme Robert Trujillo, de Metallica, qui sont fans de Magma... A un des concerts, c'était un chouette concert à Los Angeles, il était dans le public et il nous filmait. Après il est venu nous voir dans les loges, c'était très sympa.



KZM
 : Quelles sont les difficultés vocales particulières du répertoire de Magma ?

H : Ça dépend, elles sont diverses. Dans Mekanik, c'est le côté puissant. Il y a un côté très musique classique contemporaine. Il Très lyrique, mais tu ne peux pas vraiment le chanter lyrique non plus parce que ça ne colle pas. Mais il y a un côté comme ça.

Une autre difficulté, c’est l'endurance. Tu sais, cette partie qu’on appelle les chants Zeuhl. C'est long ! Donc arriver à caler une bonne respiration dessus, c'est la difficulté, parce qu'au bout d'un moment, tu finis par te créer des tensions. Et puis avec la salive qui s'accumule dans la bouche, parce qu'il n'y a pas le temps de respirer, je suis à deux doigts de m’étrangler ! rires.

Il y a aussi des problèmes de tessiture. Par exemple, dans Slag Tanz, moi qui suis baryton, le fa, ça fait partie des notes en voix de poitrine extrêmes. tu dois avoir une soixantaine dans slag Tanz. Rires. Et ça continue de monter, sol, la …

Alors qu'un baryton d'opéra, va faire trois ou quatre fa dans la soirée, éventuellement deux ou trois sol et basta, parce que c'est vraiment le climax. Et là, le climax, il est tout le long du morceau. Rires.

Et puis en plus, là, derrière, t’as du monde, ce n'est pas Mary Poppins !

Ensuite, il y a la difficulté rythmique sur certains passages, ou polyrythmique. Quand c'est une cellule où tout le monde joue à peu près dans le même sens, ça va, mais parfois, tu as des trucs qui s'entrecroisent, donc il faut que t'arrives à garder le tempo, à savoir où t'en es. Mais comme c'est une musique souvent répétitive, si jamais il y a une peau de banane et que tu glisses, tu peux te récupérer à un moment donné.


KZM : Et le plus difficile morceau à apprendre, ça a été quoi ?

H : Le plus difficile ? Ils ont tous leurs difficultés, à chaque fois différentes, mais le plus difficile, celui qui m'a posé le plus de problèmes, par rapport à la tessiture, c'est Slag Tanz. Après, Mekanik, il est quand même difficile, mais c'est déjà plus dans ma voix globalement. Donc la difficulté est plus sur l'endurance. Il y a des passages dans certains morceaux, rythmiquement, on est tous, d'une manière ou d'une autre, en train de compter pour savoir où on en est….


KZM : Et celui où tu t'éclates le plus ?

H : Ça dépend des soir. Il y a des morceaux où tout le long, je peux m'éclater comme Slag Tanz, même si c'est difficile. Köhntarkösz, Theusz Hamtaahk, aussi, j’adore. Mais j'aime à peu près tout ! Je dirais : Mekanik, Köhntarkösz, Theusz Hamtaahk, ça fait partie de mon trio de tête.

Slag Tanz, Félicité, il y a certaines parties que j'aime beaucoup mais sur scène, je m'éclate autant. Il y a des morceaux que je remonterais bien aussi, qui ont été, à mon avis, très peu joués. Il y a le morceau qu'avait composé Paga dans Üdü Wüdü par exemple.


KZM : Oui, Weidorje. Ça serait un beau petit morceau.

H : J'adore Üdü Wüdü, le morceau.


KZM : Et comment tu te sens dans le groupe actuel ? Au niveau vocal, c'est une nouvelle donne, quand même ?

H : Ben, très bien. Moi, je me sens très bien. Il y a une bonne équipe de tueuses ! C'est bien parce que déjà, ça permet de revoir les arrangements et de faire en sorte que ça sonne au mieux, et que chacun ait vraiment sa place. C'est-à-dire que moi, je ne suis plus obligé d'être à la fois baryton, ténor, ténor léger, voire contralto, et parfois basse. Et du coup, ça permet d'avoir une écriture en pupitre beaucoup plus compacte et efficace. Et puis, humainement, c'est super, aussi.



KZM : oui, on sent qu’il y a une très bonne ambiance. 
Là c’est bien, tu vas avoir une tournée avec eux. C'est bon, vous êtes calés au niveau du répertoire avec les journées au Triton.

H : oui, et on y retourne dans une dizaine de jours. Trois, quatre jours de répé au Triton. Mais ce coup-ci, il n'y aura pas de répé publique. On va resserrer encore les boulons sur Félicité et K.A, et puis probablement Kobaïa et Spiritual.


KZM : Oh, ça, c'est bien ! C'est un petit truc pas habituel. Surtout avec l'équipe vocale qu'il y a. Puis Sylvie qui a une voix qui pourrait aller très bien pour Spiritual.

H : Oui, mais enfin, on n'a pas trop poussé les investigations au niveau des arrangements encore. Pour l'instant, on reproduit ce qui est sur le disque.


KZM :Oui. Tu avais des versions live où tu as Maria, qui avait un gros rôle sur Spiritual. Ils ne l’ont pas joué beaucoup, vers 78/79, mais avec une partie de Maria qui n’était pas sur le disque. C'était assez sympa, mais pas du tout Magma, évidemment, pour les fans.

H : Oui, c'était un moment un peu plus soul, quoi. La période Tamla Zeuhl !


KZM : Et ton projet personnel ? Tu peux nous en parler ?

H : Mes chansons sont finies. J'ai 10 chansons. Le mix est fait, c'est parti au mastering. J'attends des nouvelles. Je ne sais pas encore trop comment, mais je vais le faire exister physiquement, sortir un CD et si jamais j’ai les moyens, un vinyle.Je fais ça essentiellement pour moi, c’est un cadeau que je me fais. Pour rire, j'avais mis sur les réseaux sociaux j’entame une carrière de jeune chanteur. De jeune chanteur pop ! J’ignore quelle portée ça peut avoir mais ça me fait plaisir de le faire. Ça fait plaisir aux musiciens qui ont découvert mes chansons, avec qui on a travaillé. Tout le monde est très enthousiaste là-dessus. Après, est-ce qu'on va pouvoir jouer ou pas ? Tout reste à faire de toute façon.


KZM : Et puis c'est équilibrant par rapport à Magma, qui peut être chose qui peut être pesant.

H : C'est vrai que souvent, je me suis retrouvé dans des endroits où on me dit ... Ah, t’es le chanteur de Magma, vas-y, chante-nous quelque chose. Vous êtes marrants vous … Ça ne veut rien dire, c'est impossible. Maintenant, je pourrais dire : Je prends une guitare, je vais vous chanter un truc. J'avais besoin de retrouver ce plaisir immédiat : Tu prends une guitare, tu chantes des chansons. L’envie de chanter des chansons m’est revenue pendant les confinements. Pendant le premier, on se retrouvait tout seul à la maison, on se demandait tous ce qu’on allait pourvoir fiche ! Je me suis remis avec plaisir à rechanter des vieilles chansons, et petit à petit, je me suis dit... Tiens, mais pourquoi pas ? Là où j’étais réticent, c’est par rapport aux textes. J’avais essayé dans ma jeunesse d'écrire des textes et je me suis souvenu d'un coup de pourquoi il valait mieux que j’arrête ! J’avais relu 2 ou 3 trucs et bon… J'avais cherché quelques auteurs, mais ça ne le faisait pas. Finalement, je m'y suis mis, et à force de tirer sur cette espèce de fil là, il y a pas mal de trucs qui me sont venus. J'ai fait écouter ça à des gens autour de moi, ils m'ont dit vas-y, n’hésite pas !

J'ai écrit 9 chansons en français. Il n'y a qu'une seule chanson en anglais. C'est une amie, Nathalie Blomme, à qui j'avais demandé d'écrire des textes. On s'était croisés, je lui avais dit que je cherchais des gens pour écrire des chansons, elle m’a demandé si elle pouvait essayer. Comme elle ne sentait pas d’écrire en français, je lui ai proposé d’écrire en anglais. Elle l'a fait. C'est une très jolie balade, juste guitare, chant et de très légères percus. Tout le reste est en français, j'ai écrit paroles et musique. On a enregistré ça « façon confinement ». C’est-à-dire que j’ai enregistré mes parties guitare chez l’ingénieur du son qui est aussi le batteur, le batteur a enregistré ses parties, le bassiste a enregistré ses parties chez lui. Il y a plein de choses qui se sont assemblées comme ça et qui ont fonctionné d’emblée. C'est plutôt bon signe. Apparemment, on est tous à peu près sur la même longueur d'onde. C'est vraiment une formule pop/folk/rock. Il y a deux guitares : moi, plus un guitariste, Pascal Corriu. Un batteur, Niko Sarran, un bassiste, Philippe Panel et deux choristes, Caroline Indjein, ma petite sœur de la Zeuhl et Emilienne Chouadossi avec qui je chante depuis de nombreuses années, dans Elull Noomi, Les Fêlés du Vocal et Celestial Q-tips, un hommage à Al Jarreau. Donc voilà, deux chœurs plus moi qui fait les chœurs aussi, basse, batterie. Pas de clavier, là, pour le coup, j'avais juste envie des sons de guitare. On verra pour les prochains albums...



Interview réalisée en Février 2025 à Montpellier par Eurydice Anahé et El Memö. Photos captées entre 2013 et 2025 par le même. Merci à Hervé pour sa disponibilité.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire