jeudi 13 avril 2023

One Shot 111

Eric Monnier est un fan de One Shot. Musicien lui-même, il a vu le groupe de nombreuses fois depuis 2000 et en a même fait la première partie. C'est tout naturellement que nous lui avons demandé de chroniquer ce retour discographique du groupe...

111 est le 7
ème opus du groupe One Shot. Pourquoi ce titre ? 20 + 21 + 22 = 1 + 2 + 4 = 7… tout simplement ! C’est mathématique : en base 2, « 7 » s’écrit « 111 ». CQFD.

One Shot est né au siècle dernier… en 1998. Emmanuel Borghi est au Fender Rhodes et au synthétiseur, James Mac Gaw à la guitare, Philippe Bussonnet à la basse et Daniel Jeand’heur à la batterie. Les trois premiers jouent depuis peu dans le groupe mythique de Christian Vander, fraîchement reformé : Magma.

Le premier album de One Shot (sans titre) paraît en 1999, enregistré par Olier Arnaud et mixé par Francis Linon.

Trois autres albums sortent en 2001, 2006 et 2008, avec ce même line-up : Vendredi 13  (Soleil Zeuhl),  Ewaz Wader et Dark Shot (Le Triton). En 2008, Emmanuel Borghi quitte Magma. Il est remplacé par Bruno Ruder, au sein de la formation Zeuhl d’abord puis dans One Shot, en 2010. Une seule trace discographique de cette période est disponible : un live à Tokyo enregistré en 2010 (Soleil Zeuhl). Suivent quelques prestations scéniques dont une participation au RIO en 2012 et un concert au Triton en 2014. En 2015, c’est au tour de James Mac Gaw de quitter Magma, pour des raisons de santé. Il va lutter contre la maladie jusqu’en mars 2021. Sept mois plus tard, One Shot, dans une configuration inédite - avec deux claviers - renaît le temps d’un concert, en hommage à son guitariste. L’enregistrement de cette soirée est gravé sur disque ; il s’intitule à James (Le Triton).

C’est à cette occasion que le désir de faire bouillir à nouveau le chaudron One Shot se fait sentir. Le projet d’un nouvel album est lancé. Il est enregistré un an plus tard, en octobre 2022, au Triton. Cinq morceaux au programme de ce nouveau disque. C’est dans la moyenne des albums précédents.

Le premier titre est une composition d’Emmanuel Borghi, Off The Grid  (Hors Réseau). Elle est basée sur une rythmique en 10 temps et un thème répétitif exposé au synthé ; 5 notes entêtantes qui oscillent… et vous hypnotisent rapidement. Ce thème gagne en puissance à mesure qu’il se gorge de couches de synthé qui viennent se surajouter progressivement et que Daniel Jeand’heur déploie avec panache son jeu de batterie.

Le morceau qui suit, Mérovée (hommage au probable grand-père de Clovis ?), première création de Bruno Ruder pour le groupe, n’est pas inconnu des adeptes de One Shot. En effet, le Triton en a proposé une version vidéo sur la toile ; un extrait du concert filmé dans son antre le 13 juin 2014. On y voit James Mac Gaw nous gratifier d’un magnifique solo de guitare. Un des derniers. Après une intro jouée au Fender Rhodes agrémenté d’effets saturation et de modulation, l’exposition du thème est ponctuée à deux reprises par une rythmique lourde et saccadée qui vient créer un contraste saisissant.

On assiste ensuite à deux solos de clavier. D’abord celui de Bruno Ruder, au Fender Rhodes puis celui d’Emmanuel Borghi au synthétiseur. Le premier démarre sur un accompagnement discret, avec peu de notes, montrant toute la science harmonique de son auteur… et puis les doigts s’emballent, avec la musique, les notes s’enchaînent en cascade jusqu’à créer une matière sonore. C’est à ce moment paroxystique qu’entre en scène le synthétiseur du second soliste, soutenu par une rythmique dynamitée. Le discours, à la fois véloce et aérien, monte progressivement en intensité… jusqu’à la reprise du thème, en version musclée et accélérée.

Arrive alors un deuxième titre signé Emmanuel Borghi :  Don’t Ask Me Why. On y retrouve la plupart des ingrédients propres aux morceaux de One Shot : un thème accrocheur, des riffs hyper-efficaces, une rythmique explosive, un son d’ensemble puissant au sein duquel chacun « tricote » en permanence, veillant à construire une matière musicalement organique. Les claviers sont à nouveau mis à l’honneur à travers deux solos ; d’abord le synthétiseur, avec un son plus agressif, puis le Fender Rhodes, en son clair, tout en délicatesse, sur une rythmique plus légère et syncopée.

Pour terminer l’album, deux compositions de Philippe Bussonnet : Mustang et Mustang Coda. Qu’il soit ici question de cheval ou de voiture américaine, ce qui est certain c’est que le caractère sauvage et la dimension de puissante sont évoqués de façon équivoque, évidente, limpide ! Après l’introduction arrive la lourdeur de power-chords que James aurait certainement adorés. On a même l’impression de l’entendre tellement les sons de basse et de claviers, dans leur traitement, se rapprochent de ceux d’une guitare. L’énergie et la couleur sont celles du rock, voire du métal, cher à Bubu (écoutez sa formation Welcome-X), avec des riffs et des breaks ravageurs, qui cognent dur. Un dialogue (une joute ?) de synthés s’invite en fin de morceau, pour le sublimer avant le retour au thème dans son exposition finale. Comme s’il fallait impérativement apaiser nos sens après l’écoute de ce titre incendiaire, sa Coda vient nous panser. Basse et cymbales, sur fond de paysage sonore subtilement esquissé (qui colle plutôt bien à celui représenté graphiquement sur la pochette de l’album*), nous bercent le temps de redescendre… le temps d’une relecture intérieure de ce voyage proposé par ce fabuleux tour-operator qu’est One Shot. En attendant, avec impatience, le prochain…

*artwork de Hugo Gravel



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