Cela faisait longtemps que nous voulions nous entretenir avec
Hervé Aknin, qui, mine de rien, est devenu un pilier de Magma depuis 2008. Alors que l'hiver ne se faisait pas vraiment sentir sur Montpellier, l'occasion de parler longuement de son parcours avant et dans
Magma ainsi que de son premier album solo
Les Hasards nécessaires dont nous vous avons annoncé la sortie numérique. Un entretien long et dense que nous sommes heureux de partager avec vous.
KZM :
Hervé, nous sommes en février 2025, cela va faire 17 ans que tu es
le chanteur de Magma !
H :
17 ans, oui !
Mi-février,
c'était l’appel de Stella. Et mon premier concert, c'était le 26
mars, au Festival de Jazz de Grenoble. Le premier concert, avec Bruno
Ruder.
KZM :
Oui, vous êtes rentrés en même temps.
Il
y a une nana aussi qui devait rentrer, et qui n'est pas rentrée,
finalement. Agathe Sarraoui, non ?
H :
Oui, c'est ça. Je ne sais pas vraiment pourquoi.
Je
crois que c'était par rapport au répertoire qu'ils montaient à
l'époque et à son type de voix.
KZM :
Elle était typée soul, plutôt.
Pour
Emehntehtt-Ré, une voix soul ce n’était pas très adapté.
H :
Oui, ça aurait pu être compliqué, peut-être. Mais du coup, c’est
pour moi que ça a été compliqué. Quand je suis entré dans le
groupe, j’ai bossé les parties d’Antoine.
Et
quand ils ont pris la décision de ne pas prendre Agathe, il a fallu
que je revoie toutes mes voix 15 jours avant le concert.
KZM :
Que tu apprennes l'intégralité, donc !
H :
Presque ! On était supposés chanter à 4 voix, toutes les
parties en pupitre. Et
comme avec une voix féminine en moins, il y avait trop de distance
entre moi, baryton et Isabelle, il a fallu que j’apprenne pas mal
de voix que chantait Himiko et ce n'est pas vraiment ma tessiture.
Rires.
Ce qui fait qu'après chaque concert, j’étais lessivé. Rires.
KZM :
Le baptême du feu, quoi ! Mais tu les connaissais déjà, tu
avais fait des premières parties pour eux.
H :
Oui, j'avais fait des premières parties avec mon groupe Elull
Noomi. Dès
qu'on a réalisé notre première maquette, j'ai chopé une adresse
sur une interview de Stella que j'avais vue sur Internet. C’était
en 2002 il me semble.
Elle
expliquait qu’ils créaient une extension du label Seventh Records,
qui s’appelle Extension Records d’ailleurs.
C'était
ouvert aux projets autres que ceux de Christian et de Magma. J'ai
envoyé un mail en disant voilà,
on est un petit groupe a cappella, on démarre, on vient de réaliser
notre première maquette… J'ai
dit, évidemment, tout le bien que je pense de Magma et tout ce que
ça évoque pour moi. Et le lendemain, je crois, ou deux jours après,
j'ai eu une réponse qui disait envoyez-nous
un CD, et on verra bien. Donc
voilà, on a gravé ça sur un CD parce qu'à l'époque, on
n'envoyait pas les fichiers. Et deux jours après, à nouveau, j'ai
eu une réponse très gentille de Stella, qui disait : on
adore ce que vous faites, continuez à nous proposer votre travail. Ce
qu'on a fait !
On
a commencé à faire nos premiers concerts dès qu’on a eu un
répertoire. Et
puis, à un moment donné, avec la basse de notre groupe, ça ne
collait plus, parce qu'il était très peu disponible. On a pris la
décision d'arrêter de travailler avec lui, et j'ai appelé Stella,
pour savoir si ça pouvait intéresser Antoine, qui était baryton,
baryton- basse. Elle m'a dit, oui,
il adore ce que vous faites.
Elle m'a filé son numéro, on s'est appelés. On
est allés le voir à Paris avec Odile, qui écrivait les paroles
dans Elull Noomi. On n'a pas fait une note de musique, on a fait que
parler tout l'après-midi, avec Antoine. Et voilà, le marché s'est
conclu ! On
a fait des concerts avec lui, dont les premières parties de Magma,
ce qui était un challenge pour Antoine qui se tapait deux concerts
dans la soirée !
La
première fois, c'était au Jam à Montpellier. On a fait deux jours
d'affilée. Je
donnais des cours au Jam à l'époque, et ça faisait des années que
je tannais le directeur pour faire venir Christian.
Il
l’avait déjà fait venir en Trio. Et il a fini par réaliser que
c'était peut-être une bonne idée de faire venir Magma. Deux
concerts d’affilée. C'était blindé ! Ce n’était pas une
très grande salle mais il y avait quand même 400 places. Ils ont
fait rentrer tout le monde quasiment en superposant les gens !
Rires Et
donc, on a fait les deux premières parties pour la première fois au
Jam.
KZM :
Ensuite, ça a été l’année d’après au Triton, quand Magma a
fait toute une série de concerts avec des premières parties
différentes.
H
: Pareil, on a fait deux soirées.
KZM :
Vous avez fait le bœuf avec eux. De mémoire, il y avait eu For
Tomorrow…
H
: On a fait For
Tomorrow,
oui, qu'on avait vu vite fait dans la loge avant de jouer. La veille,
le premier soir au Triton, ils voulaient que je monte sur scène avec
eux mais je ne connaissais rien – enfin, pratiquement rien, donc,
je suis rentré juste pour faire les Alléluia de K.A. Le
lendemain, on s'est dit que ça serait peut-être sympa de faire un
truc plus conséquent. Donc, on s'est vu avec toute l'équipe, et on
a fait For
Tomorrow.
C’était très sympa ! C’était en 2006 il me semble.
Pendant
ce temps-là, on réalisait les enregistrements pour un futur album
d’Elull
Noomi,
et
on tenait au courant Stella de l'avancée de nos travaux. L’album
est finalement sorti en 2007 sur le label Extension.
KZM
: Et ça s'est arrêté quand, Ellul Noomi ?
H
: ça s'est arrêté sans qu'on se le dise vraiment, en fait. Le
dernier concert qu'on a fait, c'était en 2016. On a joué au
festival Radio France à Montpellier. On avait remonté le groupe
pour la circonstance quasiment mais avant ça, ça faisait pas mal de
temps déjà que c'était un sommeil…
KZM :
C'est donc ce qui a permis à Stella de te retrouver quand ils se
sont retrouvés d'un coup avec un gros trou dans le groupe.
H :
Moi, au début je pensais continuer les deux, mais ça s’est avéré
compliqué pour tout un tas de raisons. Mais ce qui a accéléré la
fin de notre groupe c’est que nous n’avions pas beaucoup de
dates.
En
fait, c'est ça qui signe la mort des groupes qui sont un petit peu
audacieux, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'endroits pour jouer ce
genre de musique en France, et que pour trouver des dates, c'est très
compliqué. C’est difficile de jouer et de s’occuper de trouver
des dates, des lieux … À
un moment, il y avait eu quelqu'un qui était intéressé pour
s'occuper de nous, mais ça a été très compliqué de bosser avec
elle aussi. Donc tout ça a mis bout à bout a fait que sans qu'on se
dise franchement, on
arrête, ça
s’est éteint.
KZM
: Et donc, tu as remplacé Antoine dans Magma.
H
: J’ai remplacé Antoine en 2008.
Quand
Antoine, Himiko et Manu Borghi ont décidé de quitter le groupe. J'ai
fait mes premiers concerts totalement dans le brouillard :
Qu'est-ce
qui se passe ? Comment se fait-il que je sois là ? Rires Je
me rappelle quand Stella m'a proposé le job, j’étais chez moi,
malade, quasiment aphone.
Je
sortais de la douche, le téléphone sonne et elle me dit : on
cherche le chanteur de Magma.
Moi, sur le coup, je pensais qu'elle cherchait Antoine, pensant qu'il
était chez moi.
Et
je lui ai dit non,
il n'est pas là.
J’avais pas compris ! Et
là elle m’explique vaguement le topo.
Elle
m'a dit si
tu es ok, on te propose le job. Je
lui ai dit Oui,
évidemment que oui, l’idée me plaît beaucoup. Mais j'aimerais
quand même en discuter avec Antoine. Donc
j'ai appelé Antoine pour savoir ce qu’il en pensait, ce qui
s'était passé, et surtout, si sa décision était définitive, s’il
avait bien mesuré la chose. Et
au départ, il ne comprenait pas pourquoi,
mais comment ça se fait que tu es déjà au courant ?
Je lui ai dit : mais
parce que Stella me propose le job ! Il
est un peu tombé sur le cul, que ça aille si vite. En même temps
fallait pas s’endormir parce que les concerts arrivaient à pas de
géant… Je lui ai dit : réfléchis
bien. Est-ce que tu es sûr de ton coup ?
Il m'a dit : oui
oui, tu n’as aucune raison de ne pas le faire ! Dans
la foulée, j'ai appelé Stella, je lui ai dit que ça marchait pour
moi. Elle m'a envoyé de quoi travailler Emehnhtett-Ré et deux trois
trucs.
KZM
: A l’époque il y avait deux parties dans le concert.
H
: Oui, il y avait pas mal de festivals de jazz et donc il y avait une
partie un peu jazz.
KZM :
Il y avait Lonnie’s lament, For Tomorrow, Day After Day et la
balade en rappel.
H
: On a fait quelques concerts comme ça.
Et
après, on a commencé à bosser sur Slag Tanz et Félicité.
KZM :
Parce que tu as eu la tournée de 2009 qui s'est précisée, la
tournée des 40 ans.
H
: Et c'est quasiment pour cette circonstance qu'on a fait pour la
première fois Félicité et Slag Tanz. On les avait joués à
Toulouse une semaine avant le Casino de Paris je crois. On a fait 3-4
concerts avec le répertoire un peu jazz.
Ensuite
il me semble qu’on avait monté Köhntarkösz
et peut-être Kobaïa à l’automne 2008.
KZM :
Emehntehtt-Ré, forcément, puisque le disque est sorti fin 2009.
H
: Oui, et là pareil, j’ai repris la suite d'Antoine pour
l'enregistrement.
KZM
: Ils n’avaient bouclé que le premier tiers de mémoire.
H
: Oui, enfin bouclé pas totalement non plus. Il manquait plein de
trucs. Ils
n'avaient pas forcément suivi une chronologie, donc il y avait des
parties un peu plus lointaines que Himiko et Antoine avaient
enregistrées dans Emehntehtt-Ré 3. Il y avait Hhai aussi, Zombies.
J'ai
rajouté des voix. On a étoffé. J'ai
dû attaquer les prises en fin 2008, et je me rappelle qu'à
l'époque, Christian ébauchait Slag tanz. Il essayait de m'expliquer
comment allait tourner ce morceau. Je comprenais que dalle !
Je
me suis dit on
va attendre que les camarades dégrossissent le truc
....
rires
KZM :
Tu as eu la chance d'avoir cette super tournée en 2009.
C'était
une cinquantaine de dates, quand même !
H :
Une cinquantaine de dates, autant que ça ? Oui, c'est sûr qu'on a
pas mal joué. On
avait fait le Japon aussi sur cette période !
KZM :
Je me souviens d'un beau concert, c'était aux Francofolies en 2009.
C'était
vraiment un très beau concert !
H :
Je me souviens, quelques temps après ce concert, je ne sais plus où
on partait jouer, j'étais à la gare, et Zab m'appelle et me dit «
Tiens,
tu ne veux pas acheter Rock'n'Folk
? Du coup, je l'achète et je vois une photo de moi à l'époque où
j'avais le bandana ! C'était
la première fois que je le mettais pour ce concert. C'était rigolo.
Philippe Manoeuvre était venu avec Jacky Berroyer.
Ils
étaient venus dans les loges. C'était
rigolo parce qu'à ce concert-là aussi, dans les loges, il y avait
deux jeunes qui arrivent et qui disent qu'ils sont journalistes pour
un groupe local. Ils voulaient parler à Stella. Un
des mecs pose la question à Stella « Qu'est-ce
qu'il faut faire pour être le chanteur de Magma ? »
À ce moment-là, je passe. Stella lui dit « Tu
n'as qu'à demander à Hervé Aknin. Il va t'expliquer. »
Et
je lui dis « Pour
être le chanteur de Magma, déjà, il faut m'assassiner !
» Il a fini par cracher le morceau en disant qu'il n'était pas du
tout journaliste et qu’il tentait une approche dans l’espoir un
peu fou d’intégrer Magma… Stella
lui dit « Envoie-nous
une cassette.
» Rires.
Le mec a envoyé une cassette, avec tout un laïus. Il s'était
attribué un nom kobaïen…. Et il dit « Loin
de moi l'idée d'assassiner Hervé Aknin...Mais
si jamais ... » Bon,
le mec avait un timbre, mais il était plus dans l’imitation de
Christian qu’autre chose comme il y en a eu plein…

KZM :
Après ça a été la découverte des tournées à l'étranger.
H :
Oui. On est allé pas mal de fois en Allemagne, un peu en Angleterre. Avant
ça, on était allé aux États-Unis en 2010, pour deux concerts
seulement : un à New York et un à Washington.
Ensuite
2015 et 2016, avec les tournées. On est retourné aux États-Unis en
2017. On a joué à Las Vegas pour un festival de métal.
À
cette époque-là, on a joué au Canada, à Victoriaville, aussi. En
2015, on avait joué en Australie, ça ouvrait la tournée des
États-Unis. On est allé assez régulièrement en Suède, en
Norvège. On a vu pas mal de pays !
KZM :
Ça permettait de sortir de France où c'était un peu bloqué.
H :
Après, c'est un peu compréhensible aussi. Une fois que tu as fait
une année Lille par exemple, tu ne vas pas le faire tous les ans, tu
vois …. Ça dépend aussi de la production discographique. Plus il
y a d'actualité, plus ça favorise les tournées, effectivement.
KZM :
Et comme Magma n'est pas le groupe le plus productif qu'il soit…
H :
Non…mais Il y a eu une période où ça a été assez productif,
dans les années 2000 ! Depuis
que je suis rentré, il y a eu Emehntehtt-Ré qui est sorti, Slag
Tanz, Riah Sahïltaahk, Félicité…
KZM :
Il y a eu le DVD Epok 5.
H :
Voilà … il y a eu L'Homme suprême. Et Zëss !
Il
y a eu aussi le live Eskähl, et l’Alhambra. Il y a eu pas mal de
trucs qui se sont passés quand même.
KZM :
Et là, il n’y a rien dans les tuyaux, visiblement, au niveau
discographique ?
H :
Au niveau composition ?
Pour
l'instant, on ne voit pas grand-chose venir. Je sais que Christian
voyait Rudy il y a quelques temps pour bosser sur des trucs, mais je
n'ai absolument entendu aucune note, rien du tout.
Stella
a entendu des trucs, je crois. Il n’y a pas énormément, peut-être
deux minutes de musique.
Il
manque les 48 autres ! Rires
KZM :
On ne peut pas demander à Christian, à l'âge qu'il a, d'avoir la
verve qu'il a eue à l'époque.
H :
Oui, bien sûr. Il va avoir 77 ans quand même mine de rien. Déjà
bravo qu’il continue à jouer quand même, tout le monde ne peut
pas en dire autant. Mais
oui, ça serait bien après Kartëhl de faire un truc plus conséquent
avec une couleur vraiment Magma.
KZM :
Kartëhl, c'était un concept, en même temps.
H :
Oui, voilà, et puis c'était très sympa. Chacun a pu apporter
quelque chose. Je pourrai dire que j'ai composé un morceau pour
Magma.
Ce
n'est pas rien !
KZM :
Non, et ce n'est pas le cas de tout le monde…
H :
Voilà. On ne va pas se plaindre. Mais c'est vrai que si jamais il y
avait une belle œuvre qui arrivait là...
En
tout cas, il n'en parle pas.
Je
pense que s'il avait vraiment des idées assez fortes et abouties, il
en aurait parlé.
KZM :
Il ne veut pas se répéter non plus. Il a raison.
H :
Oui ! ce qui fait un peu la spécificité de Magma, c'est que
chaque album est différent. Il y a très peu d'albums qui se
ressemblent. Entre Köhntarkösz et Mékanik, tu as un gouffre. Après
on peut trouver des choses qui se ressemblent : entre Wurdah
Itah et Mekanik, il y a déjà plus d'accointances.
KZM :
C'est logique, vu qu’à la base, c'est un énorme ensemble de
musique. Ça passait de l'un à l'autre des fois. J'ai quelques
bandes de travail de l'époque. Tu vois bien qu'il aurait pu y avoir
d'autres structures.
H :
Mais ça continue en fait.
Il y a
certaines parties ou certaines lignes mélodiques, on ne s'en rend
pas forcément compte, mais c'est la même mélodie qu'il y avait
dans Mekanik par exemple ou dans Theusz Hamtaakh.
Il
y a pas mal de trucs comme ça. Ça donne une cohésion au tout.
Chaque album n'est pas complètement éclaté. À
part peut-être les albums comme Attahk et Merci, et encore.
KZM :
C'est vraiment un concept à un moment donné.
H :
C'est un autre versant de Magma. D'ailleurs, certains ont du mal à
dire que c'est du Magma…
KZM :
Comment es-tu venu au chant, tu étais plutôt guitariste à la base
?
H :
Moi, je voulais faire de la BD quand j'étais môme ! Je ne me
destinais absolument pas à être chanteur, ni même musicien. Je
dessinais tout le temps, j'avais un bon coup de crayon. Mon rêve
était de pouvoir d’entrer aux Beaux-Arts. Mais comme mon parcours
scolaire était plutôt chaotique pour la hiérarchie, à l’école,
ils ont convaincu mes parents de pas m'envoyer au Beaux-Arts, en
disant qu'il valait mieux que j'aie un « vrai métier ».
Et donc, comme j'avais un niveau scolaire qui n'était pas
flamboyant, on m'a dirigé vers les BEP, CAP, une formation d'agent
administratif. Rires Je
me suis retrouvé en Seconde Agent Administratif, où on faisait de
la compta, des trucs de ce genre. J’ai redoublé, puis, comme
j'allais de moins en moins en cours, j'ai fini par être viré.
Et
donc, vie active, comme on disait à l'époque. J’ai
commencé à faire des boulots alimentaires. Finalement, c'est grâce
à ça que j'ai fini par rentrer dans Magma, parce que sans ce
parcours-là, peut-être que je serais au Beaux-Arts, je n’aurais
pas fait de musique. Enfin, probablement que si, mais peut-être pas
de cette manière-là.
J'ai
commencé à bosser la guitare. A Lunel, dans toute la région, tout
l'été, il y a ce qu'on appelle les fêtes votives, où pendant une
semaine, tu as une fête dans chaque village. Et dans chaque bar, tu
as une bande de jeunes. J'ai
fait partie de la bande où il y avait mon frère aîné. J'étais le
plus jeune, il y avait des gars de 22, 23 ans, moi j'avais 17 ans…
Il y avait un de ces mec qui jouait de la guitare. Le soir, on se
retrouvait à un endroit où on faisait une espèce de feu de camp,
et on picolait. Rires.
Et
lui, il jouait ses chansons, puis des chansons de plein d'artistes,
des chansons françaises. Et ça me fascinait qu’au milieu de
cette bande de pochtrons il y ait quand même de la poésie…
Quand
cette semaine de fête à Lunel a été terminée, quelques temps
après, j’ai toqué chez lui. J'ai dit tiens,
j'aimerais bien que tu m'apprennes un petit peu à jouer de la
guitare. Il
m'a dit ok et il a commencé à m'apprendre les accords de base, les
trucs « feu de camp », quoi. Après il m'a accompagné pour
acheter ma première guitare classique. Et à partir de là, j'ai
travaillé, mais toujours de façon autodidacte : je n'ai jamais
pris un cours de guitare de ma vie.
J’ai
été amené comme ça à chanter des chansons.
Au
départ, c’étaient des chansons françaises, Maxime Le Forestier,
tout ça, et petit à petit, j'ai commencé à me sentir de plus en
plus à l'aise.
Mon
frangin aussi écrivait des textes, je les mettais en musique. Et
puis, il y a eu un copain, qui faisait partie d'un groupe de rock
progressif.
Ils
cherchaient un chanteur, ils m'ont contacté, j’ai passé une
audition, et j'ai été pris. Et donc, c'est comme ça que j'ai fait
mes premiers pas de chanteur ! Le groupe s’appelait Gandalf. Ensuite,
j’ai fait partie d'autres groupes, plus ou moins toujours dans la
même mouvance du rock prog, le tout sans prendre un cours de chant
de ma vie. Pour moi, ça me paraissait totalement inutile. J'étais
assez con pour croire que tu sais chanter ou que tu ne sais pas.
C’est
comme ça que je suis rentré au conservatoire, en chant lyrique, à
29 ans. J’ai bossé deux ans au conservatoire. Je n’en garde pas
un souvenir impérissable niveau technique vocale. J'ai arrêté au
bout de deux ans et j'ai bossé avec différents profs. Deux ans avec
Jean-Pierre Blivet, qui était le professeur de Nathalie Dessay. ça
l’a éclaté, parce que j'étais le seul chanteur un peu jazz de
son écurie.
Il
y avait des gens qui avaient des voix gigantesques, qui venaient de
tous les pays parce qu'il avait fait sa réputation avec Nathalie
Dessay.
Ensuite,
j'ai bossé quelques temps avec Yva Barthélémy à Paris. J’ai
continué à bosser, jusqu’à ce que je finisse par donner moi-même
des cours. J'en ai donné pendant une dizaine d'années au JAM à
Montpellier, à l'école de jazz. Je faisais de la technique et du
travail de l'improvisation jazz, scat et compagnie. J'avais créé un
atelier a cappella, où je faisais des arrangements sur des morceaux
d'Al Jarreau ou de Bobby McFerrin, des choses comme ça, c’était
très sympa.
Finalement,
je ne dessine plus : on ne peut pas tout faire Et en fait, j'ai pris mes premiers cours de chant à l'âge de 25 ans. Je commençais à ressentir pas mal de difficultés. Je me disais, il y a un truc qui ne va pas. J'avais rencontré un mec qui était chanteur, qui faisait du bal et qui avait une très belle voix. Il prenait des cours avec un professeur à Montpellier, il m'a filé son contact. Ça a été mon premier prof de chant et le meilleur. C'est avec lui que j'ai appris vraiment toutes les bases. C'était un vrai professeur de chant classique, mais qui ouvrait le répertoire à plein d'autres trucs. Je n'étais pas forcément très amoureux du classique à l'époque, et en fin de compte, à force de travailler, de travailler la technique, je me suis dit, tiens, et pourquoi je n'essaierais pas le classique ? Je rencontrais quand même quelques difficultés : le professeur de chant a décelé que j'avais une fuite d'air (plus tu as d’air qui passe dans la voix, moins tu as de timbre.) Il n’y pouvait pas grand-chose donc il m'avait dit de prendre rendez-vous avec un phoniatre, qui a examiné mes cordes vocales et qui, effectivement, m'a dit qu'il y avait un problème sérieux. Les cordes vocales ne se joignaient pas suffisamment, et ça pouvait générer des fatigues vocales, etc. Donc, il avait prévu une rééducation. Au départ, il me disait : on va faire une rééducation sur un an. Si au bout d'un an, on voit que ça ne marche pas, envisagez autre chose. Et en fin de compte, en douze séances, ça a été réglétout faire !
KZM :
Il y a des noms qui ont été des influences ?
H : J'ai
adoré Al Jarreau ( Christian n’aime pas du tout, mais c’est pas
grave. Rires
).
C'est par lui que je me suis initié au scat. Je reproduisais les
solos qu'il faisait dans certains morceaux, notamment dans les live.
Après j’ai beaucoup écouté les chanteuses et les chanteurs de
jazz : Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, etc. Et des choses un peu
plus pointues comme Mel Tormé ou Jon Hendricks, qui mettait des
paroles sur les phrasés des solos de Miles et autres. Il y a eu
Bobby McFerrin, bien entendu, pour l'exploration vocale. C’est vrai
qu’il est allé assez loin. Et dans le côté un peu plus pop,
variété américaine, il y avait Gino Vannelli. J'adore son timbre
de voix. Je trouve qu'il chante encore de mieux en mieux. En jazz,
KZM :
Et là, actuellement ?
H :
Je n'écoute plus vraiment ce qui se passe. Il faudrait que je me
remette un peu à la page, parce que de temps en temps, je tombe sur
des choses assez étonnantes. Jacob Collier, par exemple, je ne sais
pas si tu connais. C'est une espèce d'extraterrestre qui fait des
arrangements vocaux. C'est assez impressionnant. Il y a quelques
jeunes comme ça qui sont vraiment intéressants. Mais
maintenant, comme on a tellement changé de façon d'écouter de la
musique, je ne prends plus suffisamment de temps pour écouter.
Avant, c'est vrai, quand tu écoutais un disque, tu prenais ton
temps. Tu ne faisais que ça, c'était un acte. Alors que là,
maintenant, je me retrouve à scroller sur l'ordi, YouTube, etc.
Même
s'il y a un truc que j’aime, je vais rarement jusqu'au bout. Je
zappe... Je me suis rendu compte de ça, il n'y a pas si longtemps.
KZM
: Toute la partie composition et arrangements, tu l’as apprise au
conservatoire ?
H :
Non. Au conservatoire, j'ai appris les bases, le solfège et
l'écriture. À
une époque, quand je suis rentré au Jam, j’ai pris quelques cours
d'harmonie, des choses comme ça, mais de façon très sommaire. Je
n'étais pas très régulier. Non, c'est sur le tas, en
expérimentant. J'aimerais pouvoir avoir une formation très
académique, savoir le contrepoint, la fugue, etc. Mais je n'ai pas
la patience : dès que j'apprends un truc, il faut que je
l'expérimente tout de suite. C'est à la fois très intéressant,
parce que ça me permet de découvrir les choses par moi-même, mais
du coup, il y a tout un bagage que j'aimerais avoir et que je n'ai
pas. Cela dit, je ne suis pas le seul !
KZM :
Ton compositeur-chef est un autodidacte pur !
H :
Il a une façon de jouer du piano qui n'appartient qu'à lui. Ce
n’est absolument pas pianistique !
D'ailleurs,
ils s’épuisent, les pianistes, dans Magma, à jouer ce qu'ils
jouent. Rires. Et
les parties de guitare ne sont pas guitaristiques !
Enfin,
pas toutes. Mais c'est vrai que souvent, on se retrouve à faire des
accords qui n'existent pas, avec des positions infarcissables.
Les gars y’a
moyen de choper des tendinites ! Rires
KZM :
Et c'est comme ça quand même que tu es devenu le chanteur le plus
long en durée dans Magma !
H :
Bah ouais, carrément !
KZM :
Là il n'y a plus de concurrence
H :
Non, en effet ! Chez les filles, il y a évidemment Stella et
Zab.
Mais
les chanteurs, je les ai tous dépassés. N'en
déplaise à certains…
KZM :
C’est un peu passé, ça, non ?
H :
Il y en a toujours un petit peu.
Après,
je peux comprendre, moi c'est pareil, j'ai mes goûts, il y a des
gens que j'aime plus ou moins. Après,
là où ça commence à être désagréable et compagnie, c’est
qu’il y en a certains qui sont quand même virulents… De temps en
temps, j’en alpague sur les réseaux sociaux, pour les calmer
gentiment.
Parce
que moi, en entrant dans cet univers-là, tu sais, comme on parle des
« combattants de la Zeuhl », ça veut dire qu'il y a une
guerre à mener.
Je
pensais naïvement qu'on allait la mener ensemble cette guerre, et en
fait, tu vois, on se retrouve comme à la cour de récré, à savoir
si Bruce Lee était vraiment plus fort que Chuck Norris… Chacun
ses héros … Certains
en sont encore à rêver de la formation idéale de Colmar… Oui,
mais ça, ça n'arrivera plus jamais, les gars. Dans
le même genre, tu vois des gens qui en sont encore à critiquer le
chanteur d'AC/DC, qui a remplacé celui qui est mort il y a 40 ans…
Mais tant qu'il sera mort, Bon Scott, il ne reviendra pas !
C’est
Paul Mc McCartney qui avait dit ça : tant
que John Lennon sera mort les Beatles ne se reformeront pas.
KZM :
Non, et les nostalgiques de Klaus, il y en a de moins en moins, quand
même.
H :
Oui, c’est vrai.
KZM :
Ça a dû te faire drôle la première fois que tu as chanté devant
Klaus.
H :
Alors, la première fois, je crois que c'était en banlieue
parisienne, c'était en 2008. Mais
je le connaissais déjà, Klaus. Quand on avait envoyé notre
première maquette d’Elull Noomi à Stella, Klaus avait eu notre
maquette via un autre circuit.
Et
il l'avait adoré. Avec Jannik, ils montaient Utopic à ce moment-là. C’est
à cette occasion que j'avais rencontré Klaus pour la première
fois. Magma jouait à la Cigale. C'était en 2003.
Avec
Odile, on venait d’enregistrer une maquette. Il fallait qu’on
termine de la mixer. On
voulait la filer en main propre à Francis, à la Cigale. Deux heures
avant le concert, on était encore chez un pote qui nous avait prêté
son appart dans le 11ème en train de terminer le mix, de mettre ça
sur un CD et de partir à la Cigale pour refiler le CD à Francis
avec une doc et compagnie. On
discutait avec Francis qui avait déjà écouté les premières
maquettes. Il disait, bon,
je ne vous promets rien, mais effectivement, si jamais ça continue
comme ça, pourquoi pas mettre ça sur CD,
etc. On
a rencontré un peu tout le monde parce que Klaus était venu faire
le bœuf. Il y avait Paga par exemple.
Après
le concert, j’alpague Klaus sur le trottoir : on
est un groupe, on a une maquette, … Il
me répond
« ah c’est vous ! et on adore ce que vous faites avec Jannik.
Si
Seventh vous le sort, tant mieux. Sinon, nous, on le sort sans
problème. »
Pour
moi, le rêve était déjà accompli, ça pouvait s'arrêter là ! Plus
tard, quand je suis rentré dans Magma, Klaus, est venu nous voir. On
jouait en banlieue parisienne. Après le concert, il est venu dans
les loges, il m'a pris dans ses bras : t’as
assuré !
tout ça …
Il
était à la console avec Francis, et il disait à Francis « Enfin
un chanteur dans Magma !
» ça m'avait fait plaisir.
KZM :
Oui, il t’a à la bonne.
H :
Je l'aime beaucoup.
Il
est sympa, et puis respect, par rapport à ce qu’il a fait. Il a
participé à créer le son de Magma.
Je
comprends les fans, si tu veux … Peut-être
que si ça avait été l'inverse, si j'étais né 10 ans plus tôt et
que j'avais fait partie de Magma plus tôt, avant lui, va savoir
comment les choses se seraient passées.
KZM :
Ça, c'est la lourdeur du public de fans. Ce n'est pas lié qu'à
Magma.
Tout
public de fans, c'est pareil.
H :
Bon, après, ils ont le droit. Je veux dire, ce n'est pas le
problème.
Simplement,
ne m'insultez pas, les gars. Rires.
KZM :
Oh, mais ça s’est calmé, quand même.
H :
Oui,
tant mieux. Ils
ont abdiqué, au bout d'un moment.
KZM :
Malheureusement, c'est classique, dans les publics de fans. En fait,
c'est leur jeunesse, qu’ils regrettent.
H :
Il y en a qui ne sont pas vraiment si vieux que ça, mais qui ont une
idée très précise de ce que doit être Magma, de comment ça doit
se jouer. Ils n'ont pas compris que Magma, c'est différent à chaque
fois.
Il
suffit d'écouter les albums, pour s’en rendre compte.
KZM :
Et puis, Christian, il a fait son parcours de compositeur :
Another Day, ça ne sonne pas comme Mekanik.
H :
Et d'un autre côté, si jamais Christian avait fait tout dans la
même veine que Mekanik, les gens auraient fini par dire mais
c'est toujours la même chose.
KZM :
Tu as découvert comment Magma ?
H :
J'ai découvert Magma à l'âge de 19 ans, fin des années 70, début
des 80, par un copain, qui était musicien à Lunel et qui était fan
de Magma. Il avait fait partie dans les années 70 d'un groupe qui
était un peu « les Beatles de Lunel » qui s’appelait
Zackmoon. Ils avaient gagné plusieurs fois le tremplin Golf Drouot.
Ils
étaient partis pour faire la carrière et compagnie, puis ils sont
tombés sur un producteur véreux qui leur a volé leurs morceaux, et
ça a été la fin du groupe.
A
19 ans, je suis rentré dans une fabrique de meubles à Lunel pour
travailler.
Je
me suis retrouvé dans une usine, et il y avait un conducteur de
Clark, c’était ce gars-là, il s’appelait Jean-Charles. Le mec,
il avait les cheveux longs, et je me disais lui,
il doit être musicien !
On a sympathisé. Moi, à cette époque-là, je n'avais jamais fait
partie de groupe. Je jouais de la guitare, je m'accompagnais, je
faisais des chansons, des trucs comme ça.
J’ai
passé pas mal de soirées chez lui. Un soir, il m'a foutu le casque
sur les oreilles : c’était le live Taverne de l'Olympia. J'avais
déjà entendu parler de Magma quand j'étais plus jeune, vers 13-14
ans. Je me rappelle, un soir, j'allais me coucher, je passe devant la
télé et mon frère ainé regardait une émission, je sais plus
comment elle s'appelait cette émission, c'était tard le soir.
Il
y avait Magma, c'était une partie où Christian criait, tout ça. Je
me suis dit, c'est
quoi ce truc
? Je n’avais pas insisté.
J’avais
un a priori pas très positif, ça me paraissait trop sulfureux.
Et
puis, j'ai écouté le live Taverne de l'Olympia, et là, j'ai dit
qu'est-ce qu'il se passe ? Moi,
à l'époque, j'écoutais pas mal de rock progressif. C'était Yes,
Genesis, que j'adorais. Mais au bout d'un moment, ça tournait un peu
en boucle, ça devenait conventionnel.
KZM :
ça commençait à être la fin du progressif.
H :
Alors, j'aimais toujours, mais quand j'ai écouté le live, je me
suis dit là,
on part tout à fait ailleurs. Ça
a quand même pas mal influencé et modifié ma façon d'écouter et
d'entendre la musique. C'est-à-dire qu'à partir du moment où j'ai
commencé à écouter Magma, j'avais énormément de mal à écouter
autre chose. Pendant pas mal de temps, ça a été ça. Puis après,
petit à petit, je me suis ouvert à d'autres choses.
Je
suis venu au jazz, d'ailleurs, grâce à Magma.
KZM :
Christian, ça a été un passeur pour ça, auprès de plein de gens.
H :
Pour moi, avant, le jazz, c'était une musique totalement périmée.
Rires Je
me disais Qu'est-ce
qu'ils ont ? C'est quoi leur problème ? Pourquoi ils n'ont pas une
guitare électrique à fond, avec la saturation ? Qu'est-ce qui leur
prend de souffler dans leur biniou ?
Quand
j'ai commencé à écouter Miles Davis, Quintet, John Coltrane, etc.,
je me suis dit mais
ça déménage, en fait ! Je
trouvais qu'il y avait une sauvagerie qui était quand même très
absente chez les groupes de rock de l'époque. Finalement, les mecs
avaient l'air très méchants, mais en fait, c'était que des
chansons à l'eau de rose. C'était très romantique, alors que là…
KZM :
Et ton premier concert de Magma, ça a été quoi ?
H :
C'était à Castelnau-le-Lez, en 1981.
KZM :
81, l'époque Bobino.
H :
Voilà, c'est ça. D'ailleurs, ils nous ont fait ça.
Et...
bon, pareil, je connaissais déjà, puisque j'avais écouté pas mal
d’albums comme Köhntarkösz, Attakh, Mekanik, mais je ne les avais
jamais vus sur scène. C’était
l’époque des costumes, etc. Je sais que pour les gens, enfin, les
purs et durs, c'était une erreur totale, mais moi, ça m'avait
éclaté, j’ai kiffé, quoi ! D'abord, parce que l'engagement
de tout le monde sur scène était palpable. Il
y a une anecdote. A la fin de ce concert-là, ils arrêtent, ils
terminent le set, et puis, les gens gueulent pour avoir un rappel :
Mekanik,
Mekanik ! Et
ils ne revenaient jamais… ça commence à s'énerver un petit peu
dans le public…. Finalement, Christian arrive tout seul sur scène,
et il dit : voilà,
on aimerait bien continuer, mais il y a les flics et la mairie à
l’entrée ...
Parce que le concert c'était au théâtre de Verdure, en plein
milieu du village ! Il y avait des plaintes et tout ça, il fallait
qu'ils arrêtent. Donc, Christian nous dit, voilà,
on est obligés d'arrêter, mais si vous voulez, on va se battre. Et
du coup, le concert s'est arrêté. Mais quand même, c’était une
belle claque !
KZM :
Oui, ça envoyait à l'époque.
H :
À l'époque, je faisais partie d'un groupe rock, un peu rock-prog,
qui s'appelait Futuo,
et j'avais embarqué des mecs qui ne connaissais pas du tout, qui
étaient plutôt branchés Les Who, Led Zep etc... Ils n'aimaient pas
forcément cette musique, mais ils ont quand même été très
impressionnés par ce qui se passait sur scène. Ils ont pris ça en
pleine face.
KZM
: Avec Guy Khalifa comme chanteur.
H :
Avec Guy Khalifa, oui, que moi, j'ai beaucoup aimé. Bon, je sais
qu'il a été traîné dans la boue (et je sais ce que c'est)
mais
lui, en fait, il n'aspirait pas du tout à devenir chanteur !
C'est Christian qui l'a lancé, parce qu'il n'y avait plus Klaus.
Lui,
il était pianiste, et d’un coup il se retrouvait là.
KZM :
Avec en plus des costumes qui n'étaient quand même pas les plus
simples à porter...
H :
Oui oui , c’est sûr ! Mais moi, de toute façon, quels que
soient les gens qui ont composé le groupe, j'ai toujours accepté.
Alors évidemment, je peux préférer telle formule à telle autre,
mais peu importe. De toute façon, quand je suis en tant que
spectateur, je n'ai pas le choix sur ce qui se passe sur scène :
j'accepte ou je me casse. Donc
voilà, je regarde. Et puis je vois que les gens sont tellement
impliqués dans ce qu'ils font que je leur dis juste merci !
Quels que soient mes goûts initiaux, on s'en fout, en fait. Ça,
c'est un des gros problèmes, ces gens qui veulent superposer leur
vision de ce qu’est selon eux Magma, sur ce qui se passe, ce qui
fait qu'ils ratent totalement ce qui se passe sur scène. Ils ne sont
pas du tout dans l'instant présent. C'est bien dommage.
KZM :
Généralement, ce qu'ils veulent entendre, c'est ce qu'ils ont déjà
entendu.
H :
Oui, voilà.
KZM :
Est-ce qu’il y a un concert qui est plus mémorable que les autres
dans ton parcours, là ? Un ou deux qui sortent du lot ?
H :
Il y en a eu pas mal. Il
y a eu quelques fois au Triton où ça s'est vraiment bien passé. Je
me souviens d'un concert aussi en Hollande, je ne saurais plus te
dire quel endroit, c'était avec Jim Grandcamp. Je trouve qu'on avait
vraiment assuré.
Un
concert mémorable, pas forcément sur le plan musical mais de se
retrouver dans cette ambiance, À Vienne par exemple, au festival de
jazz, c'était quelque chose de se retrouver là, ce lieu antique. Monte-Carlo
aussi avec l’orchestre ! C'était incroyable ! Ça donnait
vraiment la dimension qui convient à la musique de Christian. Il y a
un côté très lyrique ! Je
me souviens aussi d’un concert à Fourvière et Antibes Juan Les
Pins. Au
niveau de l'ambiance, de la sensation que j'avais, c'était au Casino
de Paris. On démarrait par Slag Tanz. On commençait derrière le
rideau qui s’ouvrait lentement pendant l’intro. Pour la
circonstance, j'avais mis ma queue de pie - je me rappelle que ça
m'avait valu quelques critiques. Rires.
Et brutalement le son s'arrête, l'ampli de Bubu en panne pendant dix
minutes, et l’équipe technique de trifouiller pour que ça
marche...
Donc
l'effet escompté, patatras. C'est dommage, parce que vraiment, au
fur et à mesure que le rideau se levait, c'était quelque chose.
KZM :
Mais ça, ce que tu décris, je l'ai vécu aux Francofolies.
H :
Aux Francofolies, c'était un très bon concert !
KZM
: Vous l'aviez démarré derrière le rideau. Le rideau s'est ouvert
progressivement.Il
n'y a pas eu de problème et c'était vachement impressionnant !
H :
Ah, parce que là, on avait envie d'en découdre, il y avait une
certaine sauvagerie dans ce morceau… Il
y a aussi la fois où on a fait le morceau de Jannik, De Futura. On
l'a joué avec Jannik, justement, dans un concert en plein air, à
Saint Herblain en banlieue de Nantes, en 2008. Il avait plu des
cordes !
KZM :
Christian donne le premier coup de cymbale pour Emehntehtt-Ré, et là,
t'as un rideau d'eau qui vient tomber.
H :
Ça a été très impressionnant. Et on a fini donc avec De Futura où
c'était un truc apocalyptique
total, il
y avait des éclairs et tout. C'était gigantesque ! Et puis de
le jouer avec Jannik …. Le
public était resté, sous la pluie !
Il
y avait tous les mecs qui s'affairaient parce que c'était une espèce
de tenture sur la scène, donc l'eau qui s'engouffrait, les amplis et
tout ça, ça commençait à craindre !
L’autre
anecdote de ce concert, justement, c’est par rapport aux purs et
durs de Magma qui n'étaient pas forcément très gentils. rires.
Je
me rappelle, la veille j'étais chez moi, je n'arrivais pas à
dormir, je suis allé un peu sur les forums. À l'époque, c’étaient
les forums qui parlaient de Magma.
Et
j'ai lu des trucs sur mon compte, c’était une horreur ! Je
n’en ai pas dormi de la nuit.
Je
suis arrivé à Saint-Herblain, j'en discute avec Zab et tout ça. Et
Christian me dit, quand
Jannick est rentré, tout le monde me disait, c'était mieux avec
Moze.
KZM :
Ça a toujours été ça.
H :
Ce sera toujours le cas je pense.
Sinon,
il y a aussi le Hellfest ! Ça, ça a été impressionnant,
vraiment !Un
festival, ça va très vite pour les balances. Tu n'as pas le temps.
Tu installes, et tu vois petit à petit le public qui arrive. Et d'un
coup, c'était une marée de gens. On avait dû jouer Theusz Hamtaahk
et Mekanik . Et le final de Mekanik, c'était un tempo d’une
sauvagerie totale ! Là, c'était Attila ! Et tu voyais le
public du Hellfest à fond !
Alors,
il n'y avait pas que le public du Hellfest, il y avait aussi plein de
gars avec le sigle et compagnie, mais c'était très impressionnant.
C’était une heure de concert, mais c'était waou... J'aimerais
bien refaire le Hellfest.
KZM :
Le public du métal est réceptif, apparemment.
H :
Apparemment, oui. On a fait pas mal de festivals de métal. On a été
invité par le groupe Opeth
qui nous a invité plusieurs fois. Ce n'est pas vraiment du métal,
c'est du Métal Prog. Il
y a un autre groupe de rock qui s'appelle Sunn O))) qui nous avait
invité. D'ailleurs, c’est par eux qu'on est arrivé en Australie,
ils nous avaient invités. On
a fait un festival de rock métal progressif en Espagne, à
Barcelone. On a fait pas mal de trucs comme ça, très rock.
KZM :
Ça a ouvert des portes.
H :
On ne fait pas du métal, mais il y a une espèce de puissance :
quand tu fais Mekanik, ne serait-ce que l'ouverture, c'est vrai qu’il
y a un côté où ils peuvent s'y retrouver. Quand
tu vois qu'il y a des gars comme Robert Trujillo, de Metallica, qui
sont fans de Magma... A un des concerts, c'était un chouette
concert à Los Angeles, il était dans le public et il nous filmait.
Après il est venu nous voir dans les loges, c'était très sympa.
KZM :
Quelles sont les difficultés vocales particulières du répertoire
de Magma ?
H :
Ça dépend, elles sont diverses. Dans
Mekanik, c'est le côté puissant. Il y a un côté très musique
classique contemporaine.
Il
Très lyrique, mais tu ne peux pas vraiment le chanter lyrique non
plus parce que ça ne colle pas. Mais il y a un côté comme ça.
Une
autre difficulté, c’est l'endurance. Tu sais, cette partie qu’on
appelle les chants Zeuhl. C'est long ! Donc arriver à caler une
bonne respiration dessus, c'est la difficulté, parce qu'au bout d'un
moment, tu finis par te créer des tensions. Et puis avec la salive
qui s'accumule dans la bouche, parce qu'il n'y a pas le temps de
respirer, je suis à deux doigts de m’étrangler ! rires.
Il
y a aussi des problèmes de tessiture. Par exemple, dans Slag Tanz,
moi qui suis baryton, le fa, ça fait partie des notes en voix de
poitrine extrêmes. tu dois avoir une soixantaine dans slag Tanz.
Rires.
Et
ça continue de monter, sol, la …
Alors
qu'un baryton d'opéra, va faire trois ou quatre fa dans la soirée,
éventuellement deux ou trois sol et basta, parce que c'est vraiment
le climax. Et là, le climax, il est tout le long du morceau. Rires.
Et
puis en plus, là, derrière, t’as du monde, ce n'est pas Mary
Poppins !
Ensuite,
il y a la difficulté rythmique sur certains passages, ou
polyrythmique. Quand c'est une cellule où tout le monde joue à peu
près dans le même sens, ça va, mais parfois, tu as des trucs qui
s'entrecroisent, donc il faut que t'arrives à garder le tempo, à
savoir où t'en es. Mais comme c'est une musique souvent répétitive,
si jamais il y a une peau de banane et que tu glisses, tu peux te
récupérer à un moment donné.
KZM :
Et le plus difficile morceau à apprendre, ça a été quoi ?
H :
Le plus difficile ? Ils ont tous leurs difficultés, à chaque fois
différentes, mais le plus difficile, celui qui m'a posé le plus de
problèmes, par rapport à la tessiture, c'est Slag Tanz. Après,
Mekanik, il est quand même difficile, mais c'est déjà plus dans ma
voix globalement. Donc la difficulté est plus sur l'endurance. Il
y a des passages dans certains morceaux, rythmiquement, on est tous,
d'une manière ou d'une autre, en train de compter pour savoir où on
en est….
KZM :
Et celui où tu t'éclates le plus ?
H :
Ça dépend des soir.
Il
y a des morceaux où tout le long, je peux m'éclater comme Slag
Tanz, même si c'est difficile. Köhntarkösz, Theusz Hamtaahk,
aussi, j’adore. Mais
j'aime à peu près tout ! Je dirais : Mekanik, Köhntarkösz,
Theusz Hamtaahk, ça fait partie de mon trio de tête.
Slag
Tanz, Félicité, il y a certaines parties que j'aime beaucoup mais
sur scène, je m'éclate autant. Il
y a des morceaux que je remonterais bien aussi, qui ont été, à mon
avis, très peu joués. Il
y a le morceau qu'avait composé Paga dans Üdü Wüdü par exemple.
KZM :
Oui, Weidorje. Ça serait un beau petit morceau.
H :
J'adore Üdü Wüdü, le morceau.
KZM :
Et comment tu te sens dans le groupe actuel ? Au niveau vocal, c'est
une nouvelle donne, quand même ?
H :
Ben, très bien. Moi, je me sens très bien. Il y a une bonne équipe
de tueuses ! C'est
bien parce que déjà, ça permet de revoir les arrangements et de
faire en sorte que ça sonne au mieux, et que chacun ait vraiment sa
place. C'est-à-dire
que moi, je ne suis plus obligé d'être à la fois baryton, ténor,
ténor léger, voire contralto, et parfois basse. Et du coup, ça
permet d'avoir une écriture en pupitre beaucoup plus compacte et
efficace.
Et
puis, humainement, c'est super, aussi.
KZM :
oui, on sent qu’il y a une très bonne ambiance. Là
c’est bien, tu vas avoir une tournée avec eux. C'est bon, vous
êtes calés au niveau du répertoire avec les journées au Triton.
H :
oui, et on y retourne dans une dizaine de jours.
Trois,
quatre jours de répé au Triton. Mais ce coup-ci, il n'y aura pas de
répé publique. On va resserrer encore les boulons sur Félicité et
K.A, et puis probablement Kobaïa et Spiritual.
KZM :
Oh, ça, c'est bien ! C'est un petit truc pas habituel. Surtout
avec l'équipe vocale qu'il y a. Puis Sylvie qui a une voix qui
pourrait aller très bien pour Spiritual.
H :
Oui, mais enfin, on n'a pas trop poussé les investigations au niveau
des arrangements encore.
Pour
l'instant, on reproduit ce qui est sur le disque.
KZM :Oui.
Tu avais des versions live où tu as Maria, qui avait un gros rôle
sur Spiritual. Ils ne l’ont pas joué beaucoup, vers 78/79, mais
avec une partie de Maria qui n’était pas sur le disque. C'était
assez sympa, mais pas du tout Magma, évidemment, pour les fans.
H :
Oui, c'était un moment un peu plus soul, quoi. La période Tamla
Zeuhl !
KZM :
Et ton projet personnel ? Tu peux nous en parler ?
H :
Mes chansons sont finies. J'ai 10 chansons.
Le
mix est fait, c'est parti au mastering. J'attends des nouvelles.
Je
ne sais pas encore trop comment, mais je vais le faire exister
physiquement, sortir un CD et si jamais j’ai les moyens, un vinyle.Je
fais ça essentiellement pour moi, c’est un cadeau que je me fais.
Pour rire, j'avais mis sur les réseaux sociaux j’entame
une carrière de jeune chanteur. De
jeune chanteur pop ! J’ignore
quelle portée ça peut avoir mais ça me fait plaisir de le faire.
Ça
fait plaisir aux musiciens qui ont découvert mes chansons, avec qui
on a travaillé. Tout le monde est très enthousiaste là-dessus.
Après,
est-ce qu'on va pouvoir jouer ou pas ? Tout reste à faire de toute
façon.
KZM :
Et puis c'est équilibrant par rapport à Magma, qui peut être chose
qui peut être pesant.
H :
C'est vrai que souvent, je me suis retrouvé dans des endroits où on
me dit ... Ah,
t’es le chanteur de Magma, vas-y, chante-nous quelque chose. Vous
êtes marrants vous … Ça ne veut rien dire, c'est impossible.
Maintenant, je pourrais dire : Je
prends une guitare, je vais vous chanter un truc. J'avais
besoin de retrouver ce plaisir immédiat : Tu prends une
guitare, tu chantes des chansons. L’envie de chanter des chansons
m’est revenue pendant les confinements. Pendant le premier, on se
retrouvait tout seul à la maison, on se demandait tous ce qu’on
allait pourvoir fiche ! Je me suis remis avec plaisir à
rechanter des vieilles chansons, et petit à petit, je me suis dit...
Tiens,
mais
pourquoi
pas ? Là
où j’étais réticent, c’est par rapport aux textes. J’avais
essayé dans ma jeunesse d'écrire des textes et je me suis souvenu
d'un coup de pourquoi il valait mieux que j’arrête ! J’avais
relu 2 ou 3 trucs et bon… J'avais cherché quelques auteurs, mais
ça ne le faisait pas. Finalement, je m'y suis mis, et à force de
tirer sur cette espèce de fil là, il y a pas mal de trucs qui me
sont venus. J'ai fait écouter ça à des gens autour de moi, ils
m'ont dit vas-y,
n’hésite pas !
J'ai
écrit 9 chansons en français. Il n'y a qu'une seule chanson en
anglais. C'est une amie, Nathalie Blomme, à qui j'avais demandé
d'écrire des textes. On s'était croisés, je lui avais dit que je
cherchais des gens pour écrire des chansons, elle m’a demandé si
elle pouvait essayer. Comme elle ne sentait pas d’écrire en
français, je lui ai proposé d’écrire en anglais. Elle l'a fait.
C'est une très jolie balade, juste guitare, chant et de très
légères percus. Tout le reste est en français, j'ai écrit paroles
et musique. On
a enregistré ça « façon confinement ». C’est-à-dire
que j’ai enregistré mes parties guitare chez l’ingénieur du son
qui est aussi le batteur, le batteur a enregistré ses parties, le
bassiste a enregistré ses parties chez lui. Il y a plein de choses
qui se sont assemblées comme ça et qui ont fonctionné d’emblée.
C'est plutôt bon signe. Apparemment, on est tous à peu près sur la
même longueur d'onde. C'est
vraiment une formule pop/folk/rock. Il y a deux guitares : moi,
plus un guitariste, Pascal Corriu. Un batteur, Niko Sarran, un
bassiste, Philippe Panel et deux choristes, Caroline Indjein, ma
petite sœur de la Zeuhl et Emilienne Chouadossi avec qui je chante
depuis de nombreuses années, dans Elull Noomi, Les Fêlés du Vocal
et Celestial Q-tips, un hommage à Al Jarreau. Donc
voilà, deux chœurs plus moi qui fait les chœurs aussi, basse,
batterie. Pas de clavier, là, pour le coup, j'avais juste envie des
sons de guitare. On verra pour les prochains albums...

Interview réalisée en Février 2025 à Montpellier par
Eurydice Anahé et
El Memö. Photos captées entre 2013 et 2025 par le même. Merci à Hervé pour sa disponibilité.