Eric Monnier est un fan de One Shot. Musicien lui-même, il a vu le groupe de nombreuses fois depuis 2000 et en a même fait la première partie. C'est tout naturellement que nous lui avons demandé de chroniquer ce retour discographique du groupe...
111 est le
7ème opus du
groupe One Shot. Pourquoi ce titre ? 20
+ 21 +
22 = 1 + 2 + 4 =
7… tout simplement ! C’est mathématique : en base 2,
« 7 » s’écrit « 111 ». CQFD.One Shot est
né au siècle dernier… en 1998. Emmanuel Borghi est au Fender
Rhodes et au synthétiseur, James Mac Gaw à la guitare, Philippe
Bussonnet à la basse et Daniel Jeand’heur à la batterie. Les
trois premiers jouent depuis peu dans le groupe mythique de Christian
Vander, fraîchement reformé : Magma.
Le premier
album de One Shot (sans titre) paraît en 1999, enregistré par Olier
Arnaud et mixé par Francis Linon.
Trois autres
albums sortent en 2001, 2006 et 2008, avec ce même line-up :
Vendredi 13 (Soleil Zeuhl), Ewaz Wader et Dark Shot (Le Triton). En 2008, Emmanuel Borghi
quitte Magma. Il est remplacé par Bruno Ruder, au sein de la
formation Zeuhl d’abord puis dans One Shot, en 2010. Une seule
trace discographique de cette période est disponible : un live
à Tokyo enregistré en 2010 (Soleil Zeuhl). Suivent quelques
prestations scéniques dont une participation au RIO en 2012 et un
concert au Triton en 2014. En 2015, c’est au tour de James Mac Gaw
de quitter Magma, pour des raisons de santé. Il va lutter contre la
maladie jusqu’en mars 2021. Sept mois plus tard, One Shot, dans une
configuration inédite - avec deux claviers - renaît le temps d’un
concert, en hommage à son guitariste. L’enregistrement de cette
soirée est gravé sur disque ; il s’intitule à
James (Le Triton).
C’est à
cette occasion que le désir de faire bouillir à nouveau le chaudron
One Shot se fait sentir. Le projet d’un nouvel album est lancé. Il
est enregistré un an plus tard, en octobre 2022, au Triton. Cinq
morceaux au programme de ce nouveau disque. C’est dans la moyenne
des albums précédents.
Le premier
titre est une composition d’Emmanuel Borghi, Off The Grid (Hors Réseau). Elle
est basée sur une rythmique en 10 temps et un thème répétitif
exposé au synthé ; 5 notes entêtantes qui oscillent… et
vous hypnotisent rapidement. Ce thème gagne en puissance à mesure
qu’il se gorge de couches de synthé qui viennent se surajouter
progressivement et que Daniel Jeand’heur déploie avec panache son
jeu de batterie.
Le morceau
qui suit, Mérovée (hommage au probable grand-père
de Clovis ?), première création de Bruno Ruder pour le groupe,
n’est pas inconnu des adeptes de One Shot. En effet, le Triton en a
proposé une version vidéo sur la toile ; un extrait du concert
filmé dans son antre le 13 juin 2014. On y voit James Mac Gaw nous
gratifier d’un magnifique solo de guitare. Un des derniers. Après une
intro jouée au Fender Rhodes agrémenté d’effets saturation et de
modulation, l’exposition du thème est ponctuée à deux reprises
par une rythmique lourde et saccadée qui vient créer un contraste
saisissant.
On assiste
ensuite à deux solos de clavier. D’abord celui de Bruno Ruder, au
Fender Rhodes puis celui d’Emmanuel Borghi au synthétiseur. Le
premier démarre sur un accompagnement discret, avec peu de notes,
montrant toute la science harmonique de son auteur… et puis les
doigts s’emballent, avec la musique, les notes s’enchaînent en
cascade jusqu’à créer une matière sonore. C’est à ce moment
paroxystique qu’entre en scène le synthétiseur du second soliste,
soutenu par une rythmique dynamitée. Le discours, à la fois véloce
et aérien, monte progressivement en intensité… jusqu’à la
reprise du thème, en version musclée et accélérée.
Arrive alors
un deuxième titre signé Emmanuel Borghi : Don’t Ask
Me Why. On y retrouve la plupart des ingrédients propres aux
morceaux de One Shot : un thème accrocheur, des riffs
hyper-efficaces, une rythmique explosive, un son d’ensemble
puissant au sein duquel chacun « tricote » en permanence,
veillant à construire une matière musicalement organique. Les
claviers sont à nouveau mis à l’honneur à travers deux solos ;
d’abord le synthétiseur, avec un son plus agressif, puis le Fender
Rhodes, en son clair, tout en délicatesse, sur une rythmique plus
légère et syncopée.
Pour
terminer l’album, deux compositions de Philippe Bussonnet : Mustang et Mustang Coda. Qu’il soit
ici question de cheval ou de voiture américaine, ce qui est certain
c’est que le caractère sauvage et la dimension de puissante sont
évoqués de façon équivoque, évidente, limpide ! Après
l’introduction arrive la lourdeur de power-chords que James aurait
certainement adorés. On a même l’impression de l’entendre
tellement les sons de basse et de claviers, dans leur traitement, se
rapprochent de ceux d’une guitare. L’énergie et la couleur sont
celles du rock, voire du métal, cher à Bubu (écoutez sa formation
Welcome-X), avec des riffs et des breaks ravageurs, qui cognent dur.
Un dialogue (une joute ?) de synthés s’invite en fin de
morceau, pour le sublimer avant le retour au thème dans son
exposition finale. Comme s’il
fallait impérativement apaiser nos sens après l’écoute de ce
titre incendiaire, sa Coda vient nous panser. Basse et cymbales, sur
fond de paysage sonore subtilement esquissé (qui colle plutôt bien
à celui représenté graphiquement sur la pochette de l’album*),
nous bercent le temps de redescendre… le temps d’une relecture
intérieure de ce voyage proposé par ce fabuleux tour-operator
qu’est One Shot. En attendant, avec impatience, le prochain…
*artwork de
Hugo Gravel