Un titre au plus juste car, d’harmonies et de fusion, il en sera généreusement question tout au long du spectacle. L’idée était audacieuse d’associer à Anaid à la fois des instruments plus généralement dédiés à la musique dite classique (violon, alto, cor, violoncelle, flute traversière, clarinette) et des danseurs. En effet, pas évident de faire fusionner des univers aussi différents, sans compter l’ajout de la danse qui aurait pu paraitre artificiel. Très loin de là ! Car la « mayonnaise » entre tous ces ingrédients a finalement pris à merveille, nous offrant un spectacle de fort belle facture.
Bien sûr, il a été un peu difficile pour les instruments acoustiques de rivaliser avec le volume sonore déployé par Anaid, il aura fallu attendre le bis, Vêtue de Noir, pour réellement les entendre. Malgré cette discrétion, leur présence a participé à la couleur sonore générale, en apportant un « je ne sais quoi » de feutré et de moelleux.
Sous sa forme actuelle, Anaid est un sextet qui s’octroie le luxe de la polyvalence : ainsi, Jean Max Delva assure aussi bien la batterie que le vibraphone et le clavier, Enguéran Dufour alterne trompette et basse en double de Sébastien Husson, et Theo Ferrari, le saxo quitte parfois son soufflant pour regagner la batterie. Une histoire de famille, portée par la cellule Jean Max, Emmanuelle et Alexis. Difficile de ne pas ressentir la complicité qui unit ce trio de cœur, complicité qui dans une joyeuse contagion, s’étend à l’ensemble du groupe. Il suffit de voir les échanges entre la chanteuse et le jeune « guitar hero » pour en être convaincu dans la seconde.
Quant aux danseurs, il faut aussi saluer leur performance. Gabrielle Martel, prof de danse au conservatoire de Saintes, et Arthur Bordage, diplômé du conservatoire de Paris, ont su apporter un réel supplément d’âme à travers la chorégraphie déclinée tout au long du spectacle. Beaucoup de charisme du côté d’Arthur, de grâce de celui de Gabrielle, dans des évolutions jamais caricaturales mais riches en émotions, dans cette alliance de force et de délicatesse qui, pour être le propre de la danse, sied aussi parfaitement à la musique d’Anaid. Une symbiose poussée jusqu’à faire évoluer les danseurs au milieu des musiciens, s’intégrant au cœur du réacteur entre Emmanuelle et Alexis. Sans être présents sur tous les morceaux, leurs interventions ponctuent avec une grande poésie les différents moments du concert.
En 2e partie, c’est Sophia Domancich qui rallie la troupe, en invitée d’honneur, faisant monter encore d’un cran l’excellence. Dès les premiers accords posés, on sent que quelque chose se passe ! Ce n’est pas la première collaboration entre la pianiste et le groupe, dont les parcours se côtoient depuis les années 80, et là non plus, la complémentarité et la complicité ne se démentent pas. Un bonus qui vient enrichir le récit en cours.
De mon côté, si j’avais déjà pu approcher la musique d’Anaid via les albums, c’était la première fois que j’avais la chance de les voir en live. Et comment ne pas être impressionnée par la performance et l’énergie dégagée ? Il y a des groupes qui se révèlent pleinement sur scène, les disques n’en offrant qu’une vue partielle de l’enchantement qu’ils sont capables de générer. Anaid semble être de ceux-là. J’ai été bluffée par la prestation d’Emmanuelle Lionet, sa voix limpide et puissante, convoquant parfois des accents de Janis Joplin autant que de Kate Bush, sa présence explosive et joyeuse, d’une grande générosité et d’une grande liberté scénique. Un véritable personnage, qui, sans se donner des airs de diva, enflamme la scène.
Musicalement, Anaid se distingue par son univers très personnel, mêlant jazz, rock, fusion, world music. On peut y entendre aussi des ambiances proches de ce que l’on peut trouver dans un autre groupe que nous aimons bien ici, Free Human Zoo. Les fans attentifs se souviendront d’ailleurs d’un concert à l’occasion du festival Crescendo, en 2024, qui avait réuni sur la scène Gilles Le Rest et Anaid. La setlist du concert se composait d’emprunts aux différents albums, dont les arrangements ont été repris par Alexis et Engueran. ( saluons ici le travail remarquable qu’ils ont effectué) .
Adossé à une collecte Hello Asso dont ce blog avait, à l’époque, fait mention, le projet était également de réaliser durant le spectacle une captation vidéo et un enregistrement, afin de donner naissance à un double album live.
Nous attendons donc impatiemment ce précieux livrable qui permettra aux uns de revivre ces jolis moments et aux autres de les découvrir.