dimanche 12 août 2018

Christian Vander Quintet en campagne à la campagne, Dommartin le Franc le 2 août 2018

Changement de programme et changement de décor. Après Magma aux arènes antiques de Vienne, nous voici en quintet de jazz et presqu'au milieu des champs !

Hors passionné de métallurgie ou habitant de la région, on ne devait pas être beaucoup à connaitre Dommartin-le-Franc avant ce concert. Pas moi en tout cas.
Petit village du nord de la Haute-Marne et pourtant en-bas de ce département. En basse altitude quoi ! Proche de Saint-Dizier et dans un ancien bassin métallurgique fondé à la fin du XVe, et ayant conservé un des rares anciens haut-fourneaux du début de la révolution industrielle française, datant de 1834 et intégré au Métallurgic Park, précisément où a eu lieu le concert de ce post. A noté aussi que la société Guimard, a qui l'on doit, entre autres, les bouches de métro parisiennes du début XXe, était installée à Saint-Dizier. Aujourd'hui le cadre est plutôt bucolique et agricole, seuls quelques forgerons d'arts opèrent encore dans les environs.
Le Métallurgic Park, qui a accueilli un des concerts de cet "Estival Jazz" et qui fait partie de la communauté d'agglomération de Saint-Dizier, est traversé par une petite rivière, la Blaise (très à l'aise dans son vallon...) et dispose de quelques bâtiments du XIXe dont le clou du lieu est le haut-fourneau, le tout dans une scénographie audiovisuelle très moderne.

Ce qui est bien aussi dans ce genre de lieu éloigné des métropoles, et aussi parce que nos musiciens ne se prennent pas pour des stars, c'est qu'en déambulant dans le Park, on peut les croiser et avoir quelques mots avec eux. De plus, en étant sympathique avec les gardiens, j'ai pu assister à la balance, tout comme deux ou trois autres personnes. Une scène démontable dans l'herbe verte sise à un mètre du sol, 10x5 mètres environ, quelques spots à leds, une sono légère mais efficace en face et une douzaine de rangs de chaises pour environ 200 à 220 spectateurs (non, je ne les ai pas comptées).

Une balance très joyeuse, où les musiciens prenaient leurs repères, plaisantaient et se chambraient entre eux. Oui, nous sommes très loin du Top 50 et de l'égo des vrais ou pseudos étoiles ! Quelques thèmes du soir abordés, des réglages d'instruments, des discussions avec les sonorisateurs, bref, deux bonnes heures qui auguraient d'une belle soirée. Les artistes sont ensuite partis se restaurer, à l'exception notoire et habituelle de Christian qui préfère diner après le concert, les techniciens s'afférent aux derniers détails de leur coté.

Je suis reparti dans la file d'attente, enfin, avec les 5 ou 6 personnes présentes en avance, le reste du public arrivant gentiment à compter de 19h30. Et là, comme ce n'est pas Magma, pas du tout le même public, en plus nous ne sommes pas à Paris, et je vois arriver des familles avec les enfants en bas âge accompagnées des aïeuls, des poussettes, de la détente, des cris de joie, du bonheur. Un public tintinophile, disons un public de 7 à 77 ans comme disait la pub du journal Tintin !! Et ce doit être une bonne partie du village et des environs qui compose l'assistance, il y avait même à coté de moi un couple de Dommartinois (ou niens) qui, depuis qu'il habitait ici (37 ans) n'était jamais venu au Métallurgic Park, distant de 50 mètres comme il disait. Oui, Christian a un pouvoir que n'ont pas les autres... Ambiance bon enfant, discussion sur le groupe du soir, c'est qui, c'est quoi, ah du jazz ! Certains avaient mêmes des paniers repas, ça ressemblait vraiment à une sortie dominicale !!!
Petite fouille avant d'entrée et hop, étant le premier, à entrer, ticket n° 1, une première pour moi. C'est pas bien, mais je m'étais réservé la place au premier rang et presqu'au milieu, après tout, j'était là depuis le milieu de l'après midi, et puis en tant que reporter pour Kosmik Muzik, il faut bien avoir des petits avantages...
Derrière moi, quand même quelqu'un vu à Vienne. Maud, 22 ans, aperçue aussi à la balance, et c'est bien la seule, me semble-t-il, qui a fait les deux concerts. 22 ans, si la relève lui ressemble, bravo, venant des Ardennes,  faire Vienne et Dommartin prouve qu'elle se passionne pour toute l'œuvre de Christian et y consacre ses moyens. Je retrouve aussi mes voisins, enfin les voisins du Métallurgic de 37 ans croisés dans la file d'attente et des cousins de Christian, j'y reviendrai.

L'avantage de l'été, c'est qu'il fait bon et qu'il fait clair assez tard, par contre dès la tombée du jour, nous avons eu droit à des petites mouches de moisson très .. chiantes, oui, il n'y a pas d'autre mot. Tout le monde se grattait, les musiciens et les spectateurs, enfin plus nous parce que eux ne pouvaient pas forcément le faire quant ils en avaient envie.

Concert en deux parties et un rappel, démarrage pas exactement à l'heure mais c'est pas grave, et répertoire très coltranien, même que coltranien, à savoir : Afro Blue, Moment's Notice, Body and Soul, Lonnie's Lament, Impressions, India, Naima, Transition, My Favorite Things, et  Equinox en rappel. Nos musiciens se connaissent très bien, ça coule comme de la lave d'un volcan, c'est brûlant, incandescent, net et sans bavure. Un petit problème vite réglé au piano et Emmanuel qui a des soucis de retours. Là aussi la solution finit par être trouvée assez rapidement. Les titres s'enchainent, enfin s'enchainent c'est vite dit, comme ce ne sont pas des standards de 3 ou 4 minutes. Et c'est tant mieux pour notre plaisir.

Les saxophones alternent ou non leurs parties, ou laissent aussi le piano aller de l'avant, il n'y aura pas de dixième de seconde sans note jouée. Jean-Michel tantôt au sax alto et tantôt au soprano, nous livre une prestation endiablée, très convaincante. Eric lui argumentant avec son sax ténor, est un peu (un tout petit peu) plus en discrétion, ses parties étant moins nombreuses, ça ne l'empêche pas, sur le coté de la scène, de poursuivre le rythme, il est bien dedans, il n'y a rien à dire.
Laurent, bien appliqué derrière son clavier, à l'unisson de tous dans l'hommage à la musique céleste rendu ce soir et fidèle à son dévouement pour la musique nous ferait presque oublier qu'il est là. Discret et pourtant il a un beau quart de queue rutilant sous ses doigts, mais ses notes sont tellement "justes" qu'on aurait tendance à ne voir que les autres.
Emmanuel, avec une basse de location parfaitement maitrisée, la triture, la bascule, la martèle, lui fait sortir tout ce qu'elle a dans son coffre, et quel coffre ! Ses mains et ses bras l'enlace, il coulisse le long du manche dans un tango incroyable. Pas grand et pas épais Manu, mais quelle énergie nous a-t-il offert encore une fois.
Et voilà. Ah non, comment ça et voilà, pourrait-on parler d'un concert du "Christian Vander Quintet" sans parler de son meneur ? Bien sûr que non... Dire que Christian est à l'aise dans ce registre est un euphémisme. Il est cette musique, elle coule dans ses veines et transpire par sa peau. Chacun son mentor, pour lui, c'est John Coltrane, et ne pouvant et ne voulant imiter cette musique il ne peut alors que la jouer, que la partager avec nous, en trio, quartet ou quintet pour lui rendre hommage. Hommage au créateur, mais aussi pour ce qu'il a apporter à l'art et l'histoire de la musique. Le visage de Christian passe par toutes les grimaces possibles, par tous les sourires aussi. Les cymbales vibrent encore de ses coups de baguettes, à l'unisson avec les peaux qui résonnent toujours. Et puis, eh eh, un petit solo de batterie, rien que pour nous tous présents ce soir. Certes pas très long, nous ne sommes plus dans les années 70, mais, musiciens comme public, nous avion tous les yeux et les oreilles rivés vers le maestro. Je vous l'ai dis, ou je vous le dis, il fallait y être !!

Les deux sets terminés, nos héros du soir sortent de scène, pour une petite pause méritée mais surtout pour entendre le public chaleureux les réclamer à nouveau. Et là encore, rien n'est ici comme ailleurs. Le public acclame et entonne un vibrant "Christian, Christian, Christian..." et oui, d'habitude c'est ou "Magma, Magma..." ou alors juste des applaudissements et tapage de pieds, là non, c'est Christian que l'on réclame. Il faut dire que, étant lui même un enfant du pays et ayant de nombreux cousins dans les environs et dans le public, ça change la donne, ça faisait même un peu cousinade...

Il  est bientôt 23h00, ils remontent tous pour un dernier "Equinox" et Christian prend le micro pour dire à tous combien il est heureux ici, combien il est fier d'être Haut-Marnais et qu'il souhaite une longue vie à ce festival. Nous aussi.

Quelle belle nuit d'été, qui n'était pas un songe mais une splendide réalité, comme dirait l'ami William...


PS : pour ce qui concerne les présents ou non de ce concert, nulle pensée moraliste de ma part, après tout il y a encore 3 ans, je ne bougeais pas de Paris ou sa banlieue (rien qu'au Triton, tout y est : Magma, Offering, C Vander Solo, Trio...) alors pourquoi aller ailleurs me disais-je. J'avais tord, ambiances bien différentes. Par contre pour ceux qui ne voient que Magma en occultant les autres formations, là...

5 commentaires:

  1. Merci beaucoup Franck pour ces deux témoignages de Vienne et de Dommartin.

    POUPOU

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  2. Merci à toi Poupou, comme toujours !

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  3. Non, Franck, t'étais pas tout seul ... avec Maud à être présent au deux concerts Vienne et Dommartin ... (j'avais d'ailleurs posté un commentaire sur Vienne sur ce blog et annoncé ce concert de Dommartin). Mais peu importe, nous sommes venu à 4 et ton compte rendu est parfait. Un jazz époustouflant avec des musiciens (et je ne parle pas de Christian) extraordinaire dans un cadre superbe qui change du Triton ! D'autant que Christian n'avais que 15 kms à faire pour rentrer chez lui, je crois ?
    reidid

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  4. Bienvenue Didier. Cela fait trois, mais c'était volontaire de ma part. Bien évidement, je ne sais absolument pas combien ont fait les deux concerts, et à la limite peu importe, je voulais juste souligner le rapport entre Magma d'un coté (voire à la limite Offering) et les autres formations de Christian qui n'ont pas la même faveur. Renom différent, mais il est bien dommage que le public soit si différent et même indifférent aussi... Il y a un vrai lien entre C Vander Solo, Trio, Quintet, Offering et Magma (non, je n'oublie pas Fusion ni Welcome). Après, chacun fait ce qu'il veut, moi aussi, et dit ce qu'il veut, moi aussi !!!

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  5. Bonsoir Franck. Christian V avait beau souligner à Vienne que Magma n'est pas " du " jazz proprement dit pour le festival en question, tu as tout à fait raison pour la filiation C Vander Solo, Trio, Quintet, Offering, Fusion, Welcome et Magma !
    Alors, au prochain concert de l'un ou l'autre et ça fait 40 ans que ça dure !

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