Cette fin d’année 2024 aura vu la sortie du dernier album de Masal, deux ans après le précédent, Ahora. Voilà une histoire qui se déroule sur presque un demi-siècle, avec une longue parenthèse jusqu’en 2009 où le groupe se réactive pour une nouvelle série d’albums mettant à la manœuvre la famille PRAT : Jean Paul et son fils Jean. Ces 2 opus ont pour point commun, entre autres, de rassembler un vaste collectif de musiciens, ouvrant ainsi un large éventail de possibilités harmoniques.
Quelques jours avant la mise en vente officielle de l’album, Masal avait convié son public sur Bandcamp pour une écoute en live et en avant-première de son nouveau disque, intitulé Siempre,
Nous étions donc une poignée de chanceux à nous être connectés pour le découvrir ensemble et en présence de Jean Paul PRAT en personne.
Une initiative originale et heureuse qui nous a offert le luxe de partager ce moment de découverte, comme une sorte de concert privé entre « happy few ». Un tchat était disponible pendant toute la durée de la session, ce qui a permis aux uns et aux autres d'exprimer leurs ressentis et d'interagir avec le compositeur. L’accueil a été unanimement enthousiaste et c’était à la fois agréable et instructif pourvoir partager ces feedbacks.
Tout au long de l’album, on est frappés par la richesse musicale des arrangements et compositions, par la recherche et la finesse d’écriture, mais aussi certains partis pris dans le choix des instruments. C’est une musique expressive et picturale : on voit au fil des morceaux se former des images, des couleurs et des formes. La réalisation est aussi d’une grande qualité, il s’agit d’une autoproduction de très belle facture.
On remarque également le grand contraste entre la 1ère et la 2e partie de l’album. Nous avons là un « noir et blanc » assez saisissant, un fort contraste d’ambiance et d’esprit : animus et anima, feu et eau, ombre et lumière …
Ainsi, dans la première partie se retrouvent des compositions issues ou inspirées des opus des années 80, avec une belle patine de cuivres, un registre plus nerveux et plus Zeuhl. La deuxième partie fait place à des morceaux plus longs, mettant en valeur des instruments que l’on n’a pas l’habitude d’entendre dans ces territoires musicaux : hautbois, clarinette, flûte, mandoline ….
L’album s’ouvre ainsi sur un 1er monceau très tonique : le TGV vers le Paradis nous emmène crescendo, dans un rythme joyeux et soutenu. La guitare électrique et les cuivres s’en donnent à cœur joie, soutenus par une batterie sans faille.
Petite variante pour le morceau suivant, Feu, construit sur les boucles avec des accords répétitifs sur lesquelles s'implantent des tourneries, avec une ambiance un peu plus pesante. On reste dans cet esprit électrique augmentée de cuivres, c’est d’ailleurs le morceau de l’album où l’influence de Magma se fait sentir le plus clairement. Certains sur le tchat évoquent une « marche des géants » et c’est vrai qu’on se figure bien leur pas décidé, rappelant un peu la « marche des éléphants » de la section cuivre de certaines versions de MDK.
Après le dernier accord, nous voilà en train de changer de monde sans transition aucune ! On passe à une tout autre palette et à une tout autre énergie.
La Danse de l’eau nous transporte dans une ritournelle inspirée des musiques anciennes, où le thème est décliné et réinterprété par plusieurs instruments : clarinette, piano, flute … On entre dans l’univers de la limpidité, de la fluidité et de la légèreté. Ce n’est pas démenti par la suite, Isami déclinant sa danse gracieuse et poétique, sur une douzaine de minutes, avec une très jolie mélodie au piano. Des flots d’eau vive, le bien nommé, invite le hautbois à broder autours du piano dont l’ostinato permet à chaque instrument de raconter son histoire. Un très bel ensemble de flute et clarinette, des cuivres s’exprimant en douceur et en rondeur, puis une tonalité nostalgique qui s’invite avec la guitare, et une conclusion sur la pointe des pieds en s’effaçant petit à petit dans un écho japonisant.
D’une façon surprenante, l’album se conclut sur une reprise de La Marseillaise dans une forme de douceur jazzistique qui gomme l'aspect martial de l'hymne jusqu'à s'éloigner franchement du thème bien connu.
Au final, ce court album « deux en un » nous permet de passer un beau moment de musique, servi par une escouade de musiciens de talent. On ne saurait trop vous encourager à y glisser une oreille et à vous laisser tenter par la (re)découverte de l’ensemble de la discographie (un coup de cœur pour Vient des Quatre vents, dans cette antériorité pour ma part, mais l’ensemble mérite d’être écouté attentivement.)
Eurydice Anahë