Sylvie Fisichella, chanteuse et choriste émérite au sein du groupe Magma depuis plusieurs années, et également coach vocal de référence, nous convie à découvrir "Takk", un album bien singulier.
Dès la visualisation de la pochette, une esthétique résolument nordique se dégage, notamment par l'intégration de runes, faisant écho au titre même de l'opus, "Takk", qui signifie "merci" en norvégien. Cette incrémentation linguistique est d'ailleurs profondément ancrée dans le morceau "Kaos", entièrement chanté dans cette langue, ce qui lui confère une tonalité résolument Zeuhl. Si cette orientation visuelle pourrait, de prime abord, laisser présager une incursion dans des univers musicaux plus sombres, tels que le métal ou le gothique, il n'en est rien. Cette esthétique est en réalité un hommage subtil et personnel aux racines profondes de Sylvie Fisichella, qui s'est établie en France à l'âge de dix-neuf ans.
L'intégralité des compositions est l'œuvre d'André Fisichella. Son nom est familier auprès des passionnés de rock progressif avisés, il rappellera sans doute son passé de membre de Shylock, un excellent groupe de rock progressif français emblématique des années 70. Soulignons par ailleurs la participation notable de Frédéric L'Epée, guitariste historique de Shylock, qui apporte sa touche distinctive sur les pistes 1, 3 et 7 de "Takk". Il est également important de mentionner le parcours d'André Fisichella, compositeur autodidacte en dépit d'études musicales en percussions au C.R.R. de Nice, qui fonda le musical Arion créé en 1985 et le studio Arion d’enregistrement en 1987.
Musicalement, "Takk" s'inscrit dans une approche audacieuse qui puise avec maestria dans le jazz-fusion, le rock progressif et des sonorités ethniques variées, notamment celles d'Afrique (continent où Sylvie a résidé un certain temps) ou d'influences nordiques. On y décèle des réminiscences et encrages dans la musique soul/Tamla. Le chant de Sylvie, quant à lui, s'exprime avec aisance en français et en anglais, norvégien explorant des tessitures vastes qui dégagent autant de force que de sensibilité, conférant une dimension «habitée» à la richesse de l'ensemble.
Des échos lointains en filigranes se dessinent de légendes telles que "Weather Report", Wayne Shorter, Jean-Luc Ponty ou Return to Forever, Stevie Wonder, Otis Redding et les filles de la soul le tout rehaussé d'une touche résolument rock progressif incisif.
Ces multiples inspirations sont non seulement assimilées avec brio, mais également sublimées, créant une œuvre à la fois familière dans ses influences et profondément fraiche, évitant de tomber dans la tentation du para Zeuhl attendu du RIO, de nombreux invités renforcent les rangs de Takk dont Thierry Eliez, Stella Vander, Morgan Agren, Robert Waechter, Jimmy Top et tous les musiciens amis (cités plus bas).
Le véritable maître-mot de cet opus est l'émotion : "Takk" se révèle être un album dont la démarche spirituelle vise à un profond équilibre, tant dans le fond que dans la forme.
C'est un disque à découvrir absolument pour sa richesse et son originalité.
Enfin, pour les puristes et les curieux désireux d'explorer davantage cet univers, il est essentiel de (re)découvrir le merveilleux "Jafis 'Otis'", présent sur le disque "Hur! Hommage à la musique de Christian Vander" (édité par Soleil Zeuhl), un titre co-écrit par André Fisichella, Jean-Marc Jafet et Sylvie Fisichella, qui offre un aperçu supplémentaire de leur univers créatif commun.
Thierry Moreau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire